CHAPITRE XXXIX. EN QUEL SENS LE FEU DE L'ENFER EST-IL ÉTERNEL.
En disant que le feu de l'enfer est éternel, nous entendons uniquement qu'il ne finira jamais; ce n'est donc pas en ce sens que, comme Dieu n'a pas eu de commencement, ce feu n'en aurait pas eu davantage: il n'est donc pas éternel dans toute l'étendue de ce mot. De plus, quoique destiné à servir perpétuellement de châtiment aux pécheurs, il est soumis au changement par sa nature même. Au contraire, ce qui est véritablement éternel, non-seulement n'a pas eu de commencement et n'aura pas de fin, mais encore jouit d'une immutabilité réelle; et à ce titre encore Dieu seul est éternel, car lui seul ne peut changer. Autre chose est de ne pas changer, malgré la possibilité où l'on est de changer, autre chose est de ne pouvoir changer. Ainsi nous disons de tel homme qu'il est bon; cependant il est certain qu'il n'est pas bon de la bonté de Dieu même, car il est dit : « Personne n'est bon si ce n'est Dieu1 » ; notre âme est immortelle, cependant elle ne l'est pas comme Dieu dont il est écrit « qu'il a seul l'immortalité2 » ; on dit de l'homme qu'il est sage, mais il ne l'est pas comme Dieu dont il est dit : « A Dieu seul sage3 » ; de même enfin, quand nous disons du feu de l'enfer qu'il est éternel, nous déclarons qu'il n'est pas éternel dans le même sens que Dieu, à qui seul appartient la véritable éternité dans toute l'extension et la portée du mot.
