VII.
« Ce n'est pas avec moins de raison, je le déclare, dussé-je me tromper, et du moins mon erreur vaudra encore mieux que la vôtre, que nos pères se sont adonnés aux augures et à consulter les entrailles des bêtes, ou qu'ils ont institué le service des dieux et consacré des temples. Consultez dans les livres la mémoire des choses passées, vous trouverez qu'ils ont introduit toutes ces cérémonies et tous ces mystères, ou pour remercier la bonté divine, ou pour détourner les fléaux de sa colère. Témoin la mère des dieux r qui manifesta à son arrivée la chasteté d'une dame romaine, et délivra Rome de la crainte de ses ennemis. Témoin les statues à cheval de ces deux frères, qu'on leur dressa au même endroit où ils montèrent, lorsque retournant de la défaite de Persée, leurs chevaux encore tout haletants et couverts d'écume, ils annoncèrent la victoire le même jour qu'ils l'avaient gagnée. Témoin ces jeux qu'on recommença sur un songe qui annonçait le courroux de Jupiter. Témoin ces Décius, qui obtinrent la victoire en se dévouant pour leur pays. Témoin encore ce Curtius, qui remplit le gouffre qui s'était entr'ouvert au milieu de Rome, et ferma cet abîme par l'honneur qu'il rendit aux dieux qui commandaient ce sacrifice. Et certes le mépris des auspices a fait voir la présence des dieux plus souvent que nous n'eussions voulu. Allia, ce nom funeste, nous l'enseigne assez, ainsi que la bataille de Claudius et de Junius contre les Carthaginois, qui ne fut pas tant un combat qu'un misérable naufrage. Le Trasimène a vu ses eaux teintes et enflées du sang des Romains, par le mépris qu'un consul fit des augures. Les Parthes ont remporté nos dépouilles pour nous punir de notre dédain de justes imprécations. Je laisse à part les événements plus anciens de notre histoire sur la naissance des dieux et les présents qu'ils ont faits aux hommes. Je passe les vers des poètes et les oracles qui ont prédit les destins des choses, de peur que l'antiquité ne vous semble trop fabuleuse. Considérez ces temples qui sont les remparts de cet empire, et par lesquels Rome est magnifiquement embellie; ils sont plus célèbres par les dieux qui y habitent et qu'on y adore, que par la pompe de leurs ornements et par la richesse des offrandes. C'est là que les prêtres puisent la connaissance de l'avenir par la fréquentation des dieux: c'est de là qu'ils tirent les oracles contre nos dangers et les remèdes à nos maladies. C'est là qu'ils prennent l'espérance des affligés, le salut des misérables, la consolation des malheureux et le soulagement de nos peines. Nous voyons même et reconnaissons pendant notre sommeil ces dieux que nous blasphémons de jour et que nous ne voulons pas avouer.
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