XIII.
« Que si vous avez tant d'envie de philosopher, imitez Socrate, vous qui êtes si grands personnages ; c'est le prince de la sagesse. Tout le monde sait sa réponse, lorsqu'on l'interrogeait sur les choses divines : « Ce qui est au-dessus de nous ne nous touche point. » Cependant il a mérité la louange d'une sagesse extraordinaire, et il a pensé lui-même que ce n'était pas pour avoir tout su, que l'oracle l'avait prononcé le plus sage de toute la Grèce, mais pour avoir sa qu'il ne savait rien. C’est donc une souveraine sagesse que de confesser son ignorance. C’est de là qu'est sortie l'opinion d'Arcésilas, de Carnéade et de plusieurs philosophes académiciens, qui ont douté dans les plus hautes questions. C’est le meilleur avis, cerne semble, qu'on puisse suivre, puisqu'il est très glorieux pour les doctes, et qu'il est sans danger pour les ignorants. C’est par là que Simonide se fait admirer, dans cette belle réponse qui mérite d'être proposée pour exemple à tous les siècles. Le roi Hiéron lui ayant demandé ce qu'il croyait des dieux; il sollicita premièrement un jour pour en délibérer, et après celui-là deux autres. Enfin après plusieurs remises, comme on le pressait de répondre et que le roi demeurait étonné de tant de délais. « Plus j'y pense, dit-il, et plus je trouve la chose difficile. » C’est ainsi, à mon avis, qu'il faut laisser indécises les choses qui sont incertaines, et ne pas prononcer hardiment sur ce qui embarrasse tous les sages, ni s'avancer pour résoudre, cependant que les plus grands personnages délibèrent; car c'est le moyen de détruire toute sorte de religions, ou d'introduire une superstition et une servitude insupportable. »
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