XXVI.
« Ces démons, qui sont des esprits impurs comme nous avons montré par l’autorité des mages, des philosophes et de Platon, se tiennent dans les statues et dans les images où on les consacre, et par leur présence acquièrent une autorité semblable à celle d'une divinité qui serait présente : car ils inspirent leurs prophètes; ils habitent dans les temples; ils font palpiter les entrailles des bêles; ils gouvernent le vol des oiseaux ; ils président au sort; ils rendent des oracles mêlés de mensonges. En effet, ils trompent et sont trompés comme ceux qui ne savent pas bien la vérité, et qui ne la veulent pas publier contre eux-mêmes. Ainsi ils nous tirent du ciel sur la terre, et de la considération du Créateur à celle de la créature. D'ailleurs ils troublent la vie et tourmentent le monde. Ils se glissent dans le corps, comme des esprits subtils et déliés, forment les maladies, épouvantent rame, tordent les membres pour contraindre les hommes à les adorer, afin qu'ensuite, lors que rassasiés de sang et de victimes, ils auront délié leurs charmes, on leur attribue la gloire de la guérison. Ces furieux aussi que vous voyez courir par les rues sont agités par ces damnables esprits, ainsi que vos prophètes même lorsqu'ils se roulent et hurlent comme des bacchantes. L'instigation des démons est pareille dans les uns et les autres, mais l'objet de leur fureur est différent. Ce sont eux aussi qui produisent ces illusions que vous avez racontées, de Jupiter qui commande en songe qu'on ait à recommencer ses jeux, de Castor et Pollux qui apparaissent, d'un navire que tire la ceinture d'une dame romaine. Plusieurs d'entre vous savent bien que les démons sont contraints d'avouer avoir fait ces choses, lorsque nous les tourmentons pour les chasser des corps, et que nous les faisons sortir par ces paroles qui les gênent, et ces prières qui les brûlent. Ce Saturne, ce Jupiter, ce Sérapis, et tous ces autres que vous adorez, vaincus par la douleur, confessent ce qu'ils sont : et quoique la honte dût leur faire cacher éternellement ce qu'ils révèlent, et surtout en votre présence, ils avouent néanmoins leur misérable condition. Vous le pouvez croire, puisque c'est contre eux-mêmes qu'ils sont contraints de rendre témoignage à la vérité. Car lors qu'on les conjure par le Dieu vivant, ces misérables frémissent dans les corps, et s'ils ne sortent incontinent, ils se retirent pour le moins peu à peu, selon que la loi du patient est grande, ou la grâce du médecin. Ainsi ils fuient ces chrétiens présents, dont ils troublent de loin les assemblées par voire moyen. C'est pourquoi ils sèment la haine de notre religion dans les esprits faibles ; car il n'y a rien de si naturel que de haïr ceux que nous craignons, et de vouloir perdre ceux qu'on redoute. Ils occupent donc les esprits, et gagnent les cœurs, afin qu'on nous baisse avant que de nous connaître, de peur qu'on ne nous aune en nous connaissant.
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