XVII.
« Je ne nie pas pourtant ce que Cecilius s'est tant donné de peine à prouver: que l'homme se doit connaître et considérer sa fin, sa nature et son origine; s'il a été fait par l'union des éléments, et par l'agencement des atomes; ou si ce n'est point Dieu qui l'a fait lui-même, et qui l'a formé de ses propres mains. Mais nous ne le pouvons apprendre que par la connaissance de cet univers et de son auteur; car ces choses sont si bien jointes et liées ensemble, que nous ne pouvons connaître l'homme, que nous ne connaissions Dieu auparavant, ni être bien capables de la connaissance des choses du monde, que nous ne connaissions le monde. Et certes, puisque c'est en ceci que nous différons des bêtes, qu'elles sont courbées contre terre comme pour y chercher leur nourriture, et que nous avons le visage élevé pour contempler le ciel, et une raison qui nous apprend qu'il y a un Dieu, et qui nous rend en quelque sorte semblables à lui, nous ne pouvons sans crime fermer les yeux à une si grande lumière, et c'est une espèce de sacrilège de chercher en terre ce que nous devons trouver dans le ciel. Et certes, il faut n'avoir point d'yeux ni de sentiment pour s'imaginer que toute cette grande et admirable machine ait été faite par un assemblage d'atomes, et non pas par la sagesse d'un Dieu ; car y a-t-il rien de plus clair, quand on vient à considérer les cieux et à contempler toute la nature, qu'il y a quelque excellent esprit qui a compassé toutes ces choses, et qui les conduit et les gouverne par sa providence. Considérons le ciel avec toute son étendue et la rapidité de son cours, soit lorsque la nuit il est tout semé d'étoiles, ou lorsqu'il est éclairé par le soleil : nous verrons dans ce mouvement éternel reluire sa sagesse divine. Que dirai-je de cet astre dont le cours marque les années, et de cette planète inconstante qui détermine les mois par sa mort et par sa naissance? Parlerai-je de cette vicissitude éternelle des ténèbres et de la lumière, qui en produit une autre, du travail et du repos. C'est aux astrologues à entrer dans le discours des astres, dont ils connaissent les vertus et les influences, et à nous apprendre celles qui règlent les semences et les moissons, les navigations et les vents, et qui font la science du pilote et du laboureur. C'est assez que pour arranger toutes ces merveilles et leur donner cet ordre qu'elles gardent éternellement, il ait fallu un esprit divin et une sagesse extraordinaire. Et certes, qui en peut douter, puisqu'il en faut même pour les comprendre? Quoi! cette diversité des temps et des saisons qui marchent toujours d'un pas égal, ne parle-t-elle pas de son auteur, et ne publie-t-elle pas ses louanges? Le printemps était nécessaire pour produire les fleurs, l'été pour mûrir les fruits et les moissons, l'automne pour achever doucement cet ouvrage ; mais l'hiver ne l'était pas moins pour le repos et le soulagement de la nature. Cet ordre continue toujours sans se troubler ni se perdre depuis tant de siècles, et serait bientôt changé si la fortune était la maîtresse du monde. D'ailleurs, quelle sagesse d'avoir tempéré l'hiver et l'été par l'automne et le printemps, avec tant d'art et de jugement qu'on passe insensiblement des ardeurs de l'un aux froids de l'autre, sans éprouver les rigueurs des deux contraires! Considérez la mer! un peu de sable lui sert de borne. Voyez les arbres! les entrailles de la terre leur donnent la vie. Admirez ce flux et ce reflux de l'Océan, ces sources éternelles qui arrosent le monde, ces fleuves qui coulent continuellement, la terre si bien disposée en plaines, en vallons, en montagnes! Que dirai-je de tant d'animaux qui ont chacun leurs défenses différentes? ceux-ci sont armés de cornes, ceux-là de dents ou d'aiguillons, les autres de griffes et d'ongles; quelques-uns n'ont pour armes que la vitesse ; mais tous tant qu'ils sont, ils ont obtenu de la nature pour se défendre, ou la légèreté, ou la force, ou l'adresse. La forme de l'homme surtout proclame un Dieu pour auteur; la stature droite, le visage élevé où se trouvent tous les sens ainsi qu'en une souveraine demeure, et les yeux au plus haut comme une sentinelle!
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