39.
Le vice de l'âme consiste donc dans ce qu'elle fait, et la difficulté qui en résulte fait son châtiment; voilà qui comprend tout le mal. Agir ou souffrir, ce n'est point une substance, le mal n'est donc point une substance. Ainsi l'eau n'est point mauvaise, ni l'animal qui respire, car ce sont des substances: ce qui est mal, c'est de se jeter volontairement à l'eau et d'y perdre la vie. Le stylet de fer est artistement préparé; un bout est destiné à écrire et l'autre à effacer; cet instrument est à la fois beau dans son genre et commode.
Mais veux-tu écrire avec l'extrémité qui sert à effacer ou effacer avec celle qui doit écrire? Je condamnerai ton action sans condamner le stylet. Si néanmoins tu te corriges, où sera le mal? Un homme fixe tout à coup le soleil en plein midi, ses yeux en seront complètement troublés; accuseras-tu le soleil ou tes yeux? Nullement: car ce sont des substances. Le mal est dans le regard imprudent et dans le trouble qu'il produit. Que l'oeil se repose, et qu'il ne fixe plus une lumière trop éclatante pour lui, ce mal cessera d'exister. De même si au lieu d'adorer la sagesse dont le flambeau illumine l'âme, on rend des hommages à cette lumière qui brille aux yeux du corps, celle-ci n'est point mauvaise; le mal est dans le culte superstitieux qui préfère la créature au Créateur. Ce mal disparaîtra lorsque l'âme, reconnaissant son Créateur, se soumettra exclusivement à lui, et sentira que par lui, elle domine tout le reste.
