3.
Toutefois je le dirai nettement sans vouloir blesser ceux qui s'obstinent à aimer les écrits de ces savants, depuis l'ère chrétienne il n'y a pas à hésiter dans la recherche de la vraie religion, de celle qui doit nous conduire sûrement à la vérité et au bonheur. Si Platon vivait encore et qu'il daignât m'entendre, ou plutôt je suppose qu'à l'époque où il enseignait un de ses disciples l'eût interrogé: Platon veut lui persuader que la vérité ne se révèle point aux yeux du corps mais à l'esprit seul; et qu'en s'y attachant l'âme devient heureuse et parfaite; que rien n'empêche de la découvrir, comme les passions mauvaises et les,fausses images des objets sensibles qui imprimées en nous par ce monde visible, y laissent la trace de toutes les opinions et de toutes les erreurs; qu'il faut par conséquent guérir son esprit pour saisir la forme immuable de tous les êtres, cette beauté toujours égale, toujours la même, immobile dans l'espace, invariable dans le temps, se conservant partout parfaitement une et identique, dont les hommes rejettent l'existence, bien qu'elle soit d'une perfection souveraine et véritable ; que tous les autres êtres naissent, tombent, s'échappent et s'évanouissent, et toutefois ne subsistent dans ce qu'ils sont, que par ce Dieu éternel dont la vérité leur a donné l'existence ; qu'entr'eux tous, c'est à l'âme seule douée de raison et d'intelligence, qu'il a été donné de se complaire dans la pensée de l'éternité, d'en être pénétrée, embellie, et de pouvoir mériter la vie éternelle : mais si elle se laisse blesser par l'amour ou la douleur de ce qui ne fait que naître et passer; si elle se laisse aller exclusivement aux entraînements de cette vie des sens corporels, et qu'elle se perde en vaines imaginations, elle se rit alors de ceux qui affirment l'existence d'un être qu'on ne peut voir des yeux du corps ni se représenter soles aucune forme sensible, et dont la raison et l'intelligence seules peuvent se faire une idée.
Je suppose donc que Platon persuade ces vérités à son disciple; je suppose de plus que celui-ci demande au maître, s'il jugerait digne des honneurs divins l'homme assez grand, assez rapproché de la divinité pour faire croire ces vérités, soit au peuple incapable de les comprendre, soit même aux esprits capables qui sont élevés au-dessus des opinions dépravées de la multitude, dont cependant ils partagent les communes erreurs; à cette question Platon eût répondu, je pense, que l'oeuvre était impossible à un homme : ou bien il aurait fallu que d'une nature à part et éclairé dès le berceau, non par l'enseignement des hommes, mais par les rayons d'une lumière intérieure, cet homme fût enrichi de tant de grâces par la puissance et la sagesse de Dieu, entouré de tant de force, environné d'une majesté si haute, que méprisant tout ce que les méchants convoitent, souffrant tout ce qu'ils abhorrent, et faisant tout ce qu'ils croient impossible, il amenât le genre humain à cette foi salutaire, par le dévouement le plus héroïque et la plus imposante autorité. Pourquoi demander alors, ajouterait Platon, quels honneurs sont dus à la Sagesse de Dieu? Entre ses bras et sous sa direction suprême ce génie exceptionnel n'a-t-il pas mérité pour le salut véritable du genre humain des distinctions particulières et surhumaines?
