CHAPITRE III. DANS QUEL ESPRIT FAUT-IL REPRENDRE LES PÉCHEURS? PRÉCEPTES DU SEIGNEUR SUR LA MANIÈRE DE CORRIGER LES MÉCHANTS.
Quant à l'esprit de charité qui doit tempérer cette sévérité miséricordieuse, il ne se montre pas seulement dans le passage où l'Apôtre dit : « Afin que son âme soit sauvée au jour du jugement du Seigneur ; » il apparaît manifestement dans cet autre passage : « Si quelqu'un n'obéit pas à ce que nous prescrivons dans notre lettre, notez-le et n'ayez aucun commerce avec lui, afin qu'il rougisse ; toutefois ne le regardez pas comme un ennemi, mais reprenez-le comme un frère 1. »
4.
Le Seigneur lui-même nous offre un modèle incomparable de patience : il a souffert jusqu'à la passion un diable parmi les douze Apôtres ; il a dit : « Laissez croître l'un et l'autre jusqu'à la moisson , de peur qu'en voulant arracher l'ivraie vous ne déraciniez en même temps le bon grain 2 ; » il a prédit que ces filets, symbole de l'Eglise, qui s'étendent jusqu'au rivage, c'est-à-dire, jusqu'à la fin du monde, renfermeraient à la fois les bons et les mauvais poissons; enfin, dans une foule de passages, il a parlé expressément ou en parabole du mélange des bons et des mauvais. Toutefois a-t-il jamais ordonné de ne pas maintenir la discipline de l'Eglise ? Loin de là, il nous avertit d'ensuivre les règles lorsqu'il dit: « Prends garde; si ton frère a péché contre toi, va, et reprends-le seul entre toi et lui. S'il t'écoute, tu auras gagné ton frère. Mais s'il ne t'écoute pas, prends avec toi une ou deux personnes, afin que tout soit avéré par l'autorité de deux ou trois témoins. S'il ne les écoute pas, dis-le à l'Eglise. S'il n'écoute pas l'Eglise, qu'il soit à tes yeux comme un païen et un publicain 3. » Il ajoute ce passage où il donne à la sévérité cette sanction redoutable : « Tout ce que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel; tout ce que vous « lierez sur la terre sera lié dans le ciel. » Il nous défend encore de donner les choses saintes aux chiens 4. Quand l'Apôtre dit : « Reprends les pécheurs publics en présence de tout le monde, afin d'intimider les autres 5; » il ne contredit.pas la parole du Seigneur : « Reprends-le entre toi et lui. » C'est là en effet un double précepte qu'il faut appliquer en consultant les maladies différentes des pécheurs dont nous voulons la guérison et le salut, non la perte : le remède varie selon les personnes. La règle est donc différente , selon qu'il faut tolérer les mauvais avec indulgence, on les reprendre et les corriger, les repousser et les retrancher de la communion des fidèles.
