CHAPITRE XIX. TROIS ESPÈCES DE PÉCHÉS MORTELS, ENTRAINANT L’EXCOMMUNICATION. — SILENCE DES CATÉCHISMES SUR LES UNIONS ADULTERES. — MARIAGES AVEC LES INFIDÈLES.
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Ceux qui pensent que l'aumône peut aisément racheter les péchés, n'hésitent pas à reconnaître qu'il y en a trois qui sont mortels et dignes de l'excommunication, tant qu'ils ne sont pas expiés par les humiliations de la pénitence: l'impudicité, l'idolâtrie, l'homicide. Il serait superflu d'examiner ici cette opinion et de rechercher s'il faut l'admettre avec réserve ou l'approuver: ce serait compliquer notre sujet d'une question étrangère à son but. Cet aveu nous suffit; car, si tous les péchés sont un motif pour exclure du baptême, l'adultère en fait partie s'il n'y a. exception que pour trois, l'adultère y est encore compris; or, c'est là le péché qui a soulevé cette controverse.
33.
Comme les chrétiens, quelle qu'ait été la corruption des moeurs dans les siècles précédents, semblent être restés étrangers à l'union criminelle d'une homme avec une femme ou d'une femme avec, un homme, au mépris d'un mariage (570) antérieurement contracté, c'est probablement pour cette raison qu'on ne s'est pas préoccupé de ce désordre dans certaines Eglises et qu'on a oublié de mêler à l’instruction des postulants la peinture et la condamnation de cette immoralité : cette négligence a fait naître la nécessité de proscrire un tel désordre; toutefois il ne se rencontre guère chez les personnes qui ont reçu le baptême, et s'il y en a des exemples encore trop nombreux, il faut les attribuer à notre apathie. Ce défaut de vigilance qui tient à l'indifférence chez les uns, à l'inexpérience chez les autres, et quelquefois à l'ignorance, a été vraisemblablement désigné par le Seigneur sous le nom de sommeil quand il a dit : « Et pendant qu'ils dormaient, l'ennemi vint et sema l'ivraie parmi le bon grain 1. » Une preuve que ce désordre n'éclatait pas dans les moeurs même des mauvais chrétiens, c'est que le bienheureux Cyprien, dans sa lettre sur les fidèles tombés, parmi tous les crimes qu'il signale en les déplorant et en les stigmatisant, et qui , selon lui, ont été capables de provoquer en Dieu une indignation assez vive pour qu'il abandonnât son Eglise aux horreurs d'une épouvantable persécution, ne cite jamais ce péché; et ce silence est d'autant plus significatif, qu'il n'oublie pas de signaler comme un trait de corruption le mariage avec les infidèles, où il ne voit qu'une prostitution des membres de Jésus-Christ aux païens. Cependant aujourd'hui ce mariage n'est plus regardé comme un péché; le nouveau Testament n'ayant laissé aucun précepte sur ce point, on en a conclu qu'une pareille union était légitime ou du moins sujette à controverse. On ne sait trop non plus si Hérode a épousé la femme de son père avant ou après sa mort, et par conséquent on n'est pas fixé sur la nature même du crime que Jean lui reprochait 2. Doit-on admettre au baptême une concubine, qui s'est engagée à ne jamais connaître d'autre homme et qui même a été renvoyée par son séducteur? Le cas est douteux et à j este titre. Il ne faut pas non plus confondre ensemble le mari outragé qui se sépare d'avec sa femme et en prend une autre, et celui qui, sans avoir surpris sa femme en adultère, divorce et contracte un nouveau mariage. Les textes sacrés sont tellement obscurs sur ce point qu'il est difficile de décider si un mari, tout en pouvant renvoyer sa femme adultère, ne devient pas lui-même adultère en formant une nouvelle union: dans ce cas je crois, autant que j'en puis juger, l'erreur vénielle. Par conséquent tous les péchés d'impureté, quand ils sont évidents, en-. traînent l'exclusion du baptême, à moins qu'ils ne soient expiés par une conversion sincère et par la pénitence ; sont-ils douteux et mal définis ? il faut empêcher par tous les moyens ces mariages équivoques. Car à quoi bon compromettre un principe dans de pareilles énigmes? Toutefois si le mariage est déjà consommé , j'inclinerais à croire qu'on ne doit pas refuser le baptême.
