CHAPITRE XXV. LOI SAINTE ; CHÂTIMENT RÉSERVÉ À SES VIOLATEURS. — FAUSSE SÉCURITÉ DE CEUX QUI ONT ÉTÉ BAPTISÉS ET VIVENT DANS LE CRIME.
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Sous le nom de loi sainte, il ne faut pas entendre ici l'obligation de croire en Dieu, quoique ce précepte renferme tout en abrégé, si l'on ne sépare pas la foi de la charité ; les termes de l'Apôtre sont décisifs: il entend par loi sainte l'obligation de renoncer à la corruption du monde et de mener une vie pure. « Si après avoir connu Jésus-Christ notre Seigneur et notre Sauveur et s'être retirés de la corruption du monde, ils se laissent de nouveau enlacer et vaincre, leur dernier état devient pire que le premier . » Il n'est pas question de croire en Dieu ni de renoncer à l'incrédulité du monde, mais de sortir de la corruption, mot qui comprend toutes les turpitudes. Ce sont ces pécheurs que dépeint encore l'Apôtre un peu plus haut : « Ils s'abandonnent à la dissolution dans leur festins avec vous; leurs yeux sont pleins d'adultères et d'un péché continuel. » Ce sont eux qu'il appelle des fontaines sans eau, fontaines, puisqu'il ont été initiés à la doctrine de Jésus-Christ, sans eau, puisque leurs actes ne répondent pas à leur croyance. L'apôtre saint Jude les caractérise presque dans les mêmes termes : « Leurs festins sont des infamies, ils mangent sans retenue et ne songent qu'à se repaître ; ce sont des nuées sans eau 1. » La pensée est la même dans les deux passages. Selon saint Pierre, « ils s'abandonnent à la dissolution dans leurs festins avec vous et leurs yeux sont pleins d'adultère; » selon saint Jude, leurs festins avec vous sont des infamies. » Les méchants en effet se mêlent aux bons dans le banquet des sacrements et les effusions de la charité. La source tarie de saint Pierre, la nuée sans eau de saint Jude, c'est la foi morte de saint Jacques 2.
47.
Qu'on ne promette donc plus le purgatoire à ceux qui, après avoir connu la vie de la justice, mènent une vie de débauche et de crime; car il aurait mieux valu pour eux ne pas la connaître, selon le témoignage de l'Ecriture. C'est à eux que s'applique la parole du Seigneur: « Le dernier état de cet homme devient pire que le premier 3 ; » car en refusant de recevoir le Saint-Esprit dans son coeur pour y résider et le purifier, il appelle l'esprit immonde suivi de ses compagnons. Leur ferait-on un mérite de n'être pas retombés dans l'adultère sous prétexte qu'ils n'y ont jamais renoncé, ou de ne s'être pas couverts de leurs souillures passées, sous prétexte qu'ils n'ont pas voulu s'en purifier? Mais ils ne daignent pas même consentir à entrer dans le bain sacré avec une conscience déchargée de ses fautes, et à rejeter leurs turpitudes, dussent-ils y retourner comme le chien à ses vomissements; au sein même de l'eau qui régénère, ils retiennent sur leur coeur malade le poids de leur perversité ; loin de cacher leur intempérance même sous le voile d'une promesse hypocrite, ils l'étalent et semblent la vomir par l'impudent aveu de leur endurcissement. Non-seulement ils n'imitent pas la femme de Loth qui, en quittant Sodome, regardait derrière elle; ils ne veulent pas même quitter Sodome, que dis-je ? ils s'efforcent d'introduire Jésus-Christ au sein même de Sodome. Parce que l'Apôtre Paul a dit : « Moi qui ai été auparavant un blasphémateur, un persécuteur, un homme violent et injurieux : j'ai obtenu miséricorde, parce que j'ai fait tous ces maux dans l'ignorance , n'ayant pas la foi 4; » on dit à ces pécheurs: Vous aurez d'autant plus droit à la miséricorde divine que vous aurez sciemment vécu dans le mal, ayant la foi. Mais on s'étendrait trop loin, on s'étendrait à l'infini, si l'on voulait rassembler tous les témoignages de l'Ecriture qui montrent clairement que la condition des pécheurs dont la vie a été coupable et infâme, malgré les lumières de la foi, loin d'être plus douce, sera d'autant plus rigoureuse qu'ils auront agi sciemment : c'est un principe que nous avons suffisamment démontré.
