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Aux nations
IV.
Mais une secte, répondez-vous, doit être punie dans le nom de son auteur. D'abord, il a été reçu de tout temps qu'une secte porte le nom de celui qui l'a fondée. Les philosophes ne s'appellent-ils pas Pythagoriciens et Platoniciens, du nom de leurs maîtres, de même que les médecins des Erasistrate, et les grammairiens des Aristarque? Une mauvaise secte remonte-t-elle à un mauvais fondateur? elle est punie par le mauvais nom dont elle hérite. C'est donc prendre les choses au rebours. Il fallait connaître d'abord l'auteur pour connaître ensuite la secte, plutôt que de chercher à connaître l'auteur d'après sa secte même. Mais vous, qui ne connaissez pas notre secte parce que vous ignorez son auteur, ou qui ne remontez pas à son auteur parce que vous ne connaissez pas davantage sa secte, que vous arrive-t-il nécessairement? Vous vous heurtez contre un nom seul, comme si dans ce nom vous aviez surpris tout à la fois et la secte et le maître que vous ne connaissez pas. Vos philosophes cependant ont la liberté de se séparer de vous par leur secte, par leur auteur, par leur nom. Personne qui soulève la haine contre eux, lorsqu'en public ou en secret ils versent toute l'amertume de leur langage contre vos coutumes, vos rites, vos cérémonies et votre manière de vivre; lorsque bravant vos lois et sans égard pour les personnes, comme il est arrivé à quelques-uns, ils lancent impunément contre les empereurs eux-mêmes les traits du ridicule. Mais les philosophes se vantent inutilement de posséder la vérité, qui est odieuse au siècle, tandis que les Chrétiens seuls la possèdent. Voilà pourquoi ceux qui la possèdent n'en déplaisent que davantage, parce que celui qui l'affecte s'en fait un jeu, mais celui qui la possède la défend comme un droit.
Enfin, Socrate fut condamné, par cela seul qu'il s'était approché de trop près de la vérité, en niant l'existence de tous vos dieux. Quoique le nom chrétien n'eût point encore paru sur la terre, la vérité ne laissait pas d'être condamnée. Toutefois vous ne contesterez pas la sagesse de cet homme auquel votre Apollon pythien rendit lui-même témoignage. Socrate est le plus sage des hommes, a-t-il dit. Apollon fut alors vaincu par la vérité qui le contraignit de témoigner contre lui-même, en déclarant qu'il ne connaissait pas Dieu, mais aussi en accordant une haute sagesse à celui qui répudiait tous ces dieux. Or, en reniant les dieux, il aurait dû vous paraître moins sage, tandis qu'il n'était sage que par là même qu'il reniait les dieux. C'est ainsi que vous en usez d'ordinaire avec nous. « C'est un excellent homme que Lucius Titius; » il est seulement dommage qu'il soit Chrétien. ---- Je m'étonne, dit un autre, qu'un homme aussi raisonnable que Gains Séjus se soit fait Chrétien. » ---- Grâce aux ténèbres de leur démence, ils louent ce qu'ils voient, ils blâment ce qu'ils ignorent, et ce qu'ils voient, ils l'empoisonnent par l'injustice d'un blâme fondé sur l'ignorance. Il ne vient à la pensée de qui que ce soit d'examiner si tel ou tel n'est pas vertueux et sage, parce qu'il est Chrétien, ou s'il ne s'est pas fait Chrétien, parce qu'il est sage et vertueux. Il serait plus raisonnable au moins de juger ce qui est inconnu d'après ce qui est connu, que de préjuger ce qui est connu d'après ce qui est inconnu. Ils ont vu des hommes qui étaient méchants, vifs, sans aveu, avant d'embrasser le nom chrétien: ils s'étonnent de les trouver corrigés, mais ils aiment mieux s'étonner que les imiter. D'autres résistent avec tant d'opiniâtreté, qu'ils vont jusqu'à lutter contre les avantages qu'ils peuvent retirer de la participation à ce nom. Je connais plusieurs époux, tellement inquiets de la vertu de leurs femmes, qu'ils ne pouvaient entendre les rats trotter dans l'appartement sans frémir et se livrer à leurs soupçons. Ils n'eurent pas plutôt découvert la cause d'une régularité, nouvelle pour eux, et d'une assiduité sans exemple jusque-là, qu'ils leur offrirent toute espèce de liberté, et promirent de n'être plus jaloux à l'avenir, aimant mieux, avoir pour femme une prostituée qu'une chrétienne. A eux, il était permis de devenir plus mauvais; à leurs femmes, il n'était pas permis de devenir meilleures. Ailleurs, un père déshérita un fils dont les désordres ne lui donnaient plus aucun sujet de plainte. Un maître jeta dans les fers un esclave dont il ne pouvait se passer auparavant. Aussitôt que l'on découvre un Chrétien, on aimerait mieux un coupable. En effet, notre discipline se manifeste par elle-même, et nous ne sommes trahis que par nos vertus. Lorsque les méchants s'accusent par leur perversité, pourquoi donc faut-il que nous seuls, contrairement aux lois de la nature, nous soyons réputés les plus pervers des hommes par notre innocence? Par quel signe caractéristique nous distinguons-nous, en effet, de tous les autres, si ce n'est par la sagesse primordiale qui nous défend d'adorer comme des dieux les ouvrages sortis des mains de l'homme; par cette modération en vertu de laquelle nous nous abstenons du bien d'autrui; par cette pudeur qui nous interdit même la souillure du regard, par cette miséricorde qui nous porte à la compassion pour les indigents; par cette vérité, elle-même, qui nous rend si odieux; par cette liberté pour laquelle nous savons mourir? Voulez-vous connaître les Chrétiens? Appelez devant vous ces témoins.
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Ad Nationes
Chapter IV. 1 --The Truth Hated in the Christians; So in Measure Was It, of Old, in Socrates. The Virtues of the Christians.
But the sect, you say, is punished in the name of its founder. Now in the first place it is, no doubt, a fair and usual custom that a sect should be marked out by the name of its founder, since philosophers are called Pythagoreans and Platonists after their masters; in the same way physicians are called after Erasistratus, and grammarians after Aristarchus. If, therefore, a sect has a bad character because its founder was bad, it is punished 2 as the traditional bearer 3 of a bad name. But this would be indulging in a rash assumption. The first step was to find out what the founder was, that his sect might be understood, instead of hindering 4 inquiry into the founder's character from the sect. But in our case, 5 by being necessarily ignorant of the sect, through your ignorance of its founder, or else by not taking a fair survey of the founder, because you make no inquiry into his sect, you fasten merely on the name, just as if you vilified in it both sect and founder, whom you know nothing of whatever. And yet you openly allow your philosophers the right of attaching themselves to any school, and bearing its founder's name as their own; and nobody stirs up any hatred against them, although both in public and in private they bark out 6 their bitterest eloquence against your customs, rites, ceremonies, and manner of life, with so much contempt for the laws, and so little respect for persons, that they even flaunt their licentious words 7 against the emperors themselves with impunity. And yet it is the truth, which is so troublesome to the world, that these philosophers affect, but which Christians possess: they therefore who have it in possession afford the greater displeasure, because he who affects a thing plays with it; he who possesses it maintains it. For example, 8 Socrates was condemned on that side (of his wisdom) in which he came nearest in his search to the truth, by destroying your gods. Although the name of Christian was not at that time in the world, yet truth was always suffering condemnation. Now you will not deny that he was a wise man, to whom your own Pythian (god) had borne witness. Socrates, he said, was the wisest of men. Truth overbore Apollo, and made him pronounce even against himself since he acknowledged that he was no god, when he affirmed that that was the wisest man who was denying the gods. However, 9 on your principle he was the less wise because he denied the gods, although, in truth, he was all the wiser by reason of this denial. It is just in the same way that you are in the habit of saying of us: "Lucius Titius is a good man, only he is a Christian;" while another says; "I wonder that so worthy 10 a man as Caius Seius has become a Christian." 11 According to 12 the blindness of their folly men praise what they know, (and) blame what they are ignorant of; and that which they know, they vitiate by that which they do not know. It occurs to none (to consider) whether a man is not good and wise because he is a Christian, or therefore a Christian because he is wise and good, although it is more usual in human conduct to determine obscurities by what is manifest, than to prejudice what is manifest by what is obscure. Some persons wonder that those whom they had known to be unsteady, worthless, or wicked before they bore this 13 name, have been suddenly converted to virtuous courses; and yet they better know how to wonder (at the change) than to attain to it; others are so obstinate in their strife as to do battle with their own best interests, which they have it in their power to secure by intercourse 14 with that hated name. I know more than one 15 husband, formerly anxious about their wives' conduct, and unable to bear even mice to creep into their bed-room without a groan of suspicion, who have, upon discovering the cause of their new assiduity, and their unwonted attention to the duties of home, 16 offered the entire loan of their wives to others, 17 disclaimed all jealousy, (and) preferred to be the husbands of she-wolves than of Christian women: they could commit themselves to a perverse abuse of nature, but they could not permit their wives to be reformed for the better! A father disinherited his son, with whom he had ceased to find fault. A master sent his slave to bridewell, 18 whom he had even found to be indispensable to him. As soon as they discovered them to be Christians, they wished they were criminals again; for our discipline carries its own evidence in itself, nor are we betrayed by anything else than our own goodness, just as bad men also become conspicuous 19 by their own evil. Else how is it that we alone are, contrary to the lessons of nature, branded as very evil because of our good? For what mark do we exhibit except the prime wisdom, 20 which teaches us not to worship the frivolous works of the human hand; the temperance, by which we abstain from other men's goods; the chastity, which we pollute not even with a look; the compassion, which prompts us to help the needy; the truth itself, which makes us give offence; and liberty, for which we have even learned to die? Whoever wishes to understand who the Christians are, must needs employ these marks for their discovery.
See The Apology, c. iii. ↩
Plectitur. ↩
Tradux. ↩
Retinere. ↩
At nunc. ↩
Elatrent. ↩
Libertatem suam, "their liberty of speech." ↩
Denique. ↩
Porro. ↩
Gravem, "earnest." ↩
Comp. The Apology, c. iii. ↩
Pro. ↩
i.e., the Christian. ↩
De commercio. ↩
Unum atque alium. The sense being plural, we have so given it all through. ↩
Captivitatis (as if theirs was a self-inflicted captivity at home). ↩
Omnem uxorem patientiam obtulisse (comp. Apology, middle of c. xxxix.). ↩
In ergastulum. ↩
Radiant. ↩
He means the religion of Christ, which he in b. ii. c. ii. contrasts with "the mere wisdom" of the philosophers. ↩