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Ne craignez donc pas de faire appel aux jugements mystérieux du Seigneur lorsque, dans une cause qui est commune à tous les enfants, puisqu'ils reçoivent tous d'Adam la souillure originelle, vous voyez celui-ci parvenir au baptême et celui-là privé de ce secours et mourant sans baptême ; celui-ci laissé sur la terre après son baptême, quoique Dieu sache parfaitement qu'il deviendra un impie, et celui-là, mourant aussitôt après son baptême, de crainte que le mal ne vienne à changer son intelligence1. En face de tous ces mystères, gardez-vous d'accuser le Seigneur d'injustice ou d'imprévoyance, car il est lui-même la source de toute justice et de toute sagesse. Selon le conseil que je vous adressais au début de ce discours, conservez les mêmes sentiments et demeurez dans la même règle pour tout ce qui regarde les, connaissances auxquelles vous êtes parvenus, et Dieu vous révélera ce que vous devez en croire2, si ce n'est pas dans cette vie, ce sera dans l'autre; car tout ce qui est caché sera un jour manifesté3.
Lorsque vous entendez cette parole du Seigneur : « Moi, le Seigneur, j'ai séduit ce prophète4 » ; et celle de l'Apôtre : « Dieu fait miséricorde à qui il veut, et il endurcit celui qu'il veut5», croyez fermement que la cause de cette séduction et de cet endurcissement n'est autre que la culpabilité même de celui que Dieu laisse tomber dans ce double malheur. Quant à celui qui obtient miséricorde, sachez que cette miséricorde est purement une grâce de Dieu qui rend, non pas le mal pour le mal, mais le bien pour le mal. Gardez-vous de conclure que Pharaon ait été privé de son libre arbitre, parce que le Seigneur nous dit dans divers passages de l'Ecriture : « J'ai endurci Pharaon ; j'ai endurci ou j'endurcirai le coeur de Pharaon6 ». Ce serait une erreur de penser que Pharaon lui-même n'a pas endurci son propre coeur. Ne lisons-nous pas de ce prince, quand eut disparu de l'Egypte la plaie des mouches : « Et Pharaon endurcit alors son coeur et refusa de laisser aller le peuple d'Israël7. » Ainsi donc Dieu, par un juste jugement, endurcit le coeur de ce roi, et Pharaon s'endurcit lui-même par l'usage criminel qu'il fit de son libre arbitre.
Soyez donc pleinement assurés que vos travaux ne seront pas stériles si vous persévérez jusqu'à la fin dans votre sainte entreprise. Car ce Dieu qui sur la terre délivre les hommes sans aucun mérite de leu part , à la fin des siècles rendra à chacun selon ses oeuvres8. Il rendra le mal pour le mal, parce qu'il est juste ; il rendra aussi le bien pour le mal, parce qu'i est bon, et le bien pour le bien, parce qu'il est bon et juste ; mais il ne saurait rendre le mal pour le bien, puisqu'il ne peu y avoir en lui aucune injustice. Il rendra donc le mal pour le mal, c'est-à-dire le châtiment pour le péché ; il rendra le bien pou le mal, c'est-à-dire la grâce après le péché et enfin il rendra le bien pour le bien, c'est-à-dire la grâce pour la grâce.
