13.
Tous ces témoignages et autres semblables prouvent que ce n'est pas en conséquence de nos mérites que la grâce nous est conférée, car nous avons vu et nous voyons chaque jour cette grâce largement départie à des hommes qui, non-seulement ne l'avaient méritée par aucune bonne oeuvre, mais l'avaient même déméritée par des fautes sans nombre. Or, quand cette grâce nous est conférée, nous commençons à mériter, mais par la grâce; car dès qu'elle se retire, l'homme, bien loin de s'élever par son libre arbitre, tombe précipité par son libre arbitre lui-même. Par conséquent, alors même que l'homme commence à bien mériter, qu'il n'oublie pas d'attribuer ces mérites, non pas à lui même, mais à Dieu, vers qui le Psalmiste lançait cette parole : « Soyez mon secours, ne m'abandonnez pas1 ». En disant. « Ne m'abandonnez pas », David affirme clairement que, s'il était abandonné, il se trouverait dans une impuissance absolue de faire le bien par lui-même; de là ces autres paroles : « J'ai dit, dans mon abondance, jamais je ne serai ébranlé ». Il avait pu penser que l'abondance qui le rendait inébranlable était un bien qui lui appartenait en propre; bientôt il comprit que ce privilège dont il était personnellement glorifié, ne lui venait que de Dieu ; car, sentant là grâce l'abandonner peu à peu, il s'écrie : « Seigneur, par un effet de votre volonté vous avez accordé la puissance à ma beauté, ruais vous avez ensuite détourné votre face, et je suis tombé dans la confusion2 ». Tout homme a donc besoin de la grâce de Dieu, non-seulement pour être justifié, c'est-à-dire pour passer du péché à la justice, et du mal au bien, mais encore, après sa justification, pour marcher avec la grâce, et s'appuyer sur elle s'il ne. veut pas s'exposer à tomber. De là ce mot du Cantique des cantiques, appliqué à l'Église : « Quelle est celle qui s'élève après avoir été blanchie, et appuyée sur son frère3? » Elle a été rendue toute blanche, parce qu'elle n'aurait pu se purifier elle-même. Et par qui donc a-t-elle été rendue éclatante de blancheur, si ce n'est par celui qui a mis sur les lèvres de son prophète ces belles paroles : « Lors même que vos péchés seraient rouges comme l'écarlate, je vous rendrai blancs comme la neige4? » Or, avant que cette âme reçût de Dieu sa purification, elle ne méritait rien de bon ; mais à peine a-t-elle été purifiée, qu'elle marche dans la voie du bien, tout le temps du moins qu'elle reste unie à celui de qui seul elle tient sa justification. De là cette parole: « Sans moi vous tic pouvez rien faire5 » ; parole adressée à ses disciples par le divin Sauveur, dont toute âme purifiée doit rester l'épouse fidèle.
