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Le Seigneur nous dit par son prophète «Convertissez-vous à moi et je me convertirai à vous1».Il semblerait d'abord que de ces deux actions l'une, nous convertir à Dieu, est l'oeuvre propre de notre volonté, tandis .que1'autre serait l'oeuvre de la grâce, car ce n'est que par la grâce que Dieu se convertit à nous. De leur côté, les Pélagiens pensent pouvoir s'appuyer sur ces paroles, pour soutenir que la grâce nous est donnée selon nos mérites. Or, rappelons-nous que, dans un concile de la Palestine dont Jérusalem fait partie, Pélage, accusé par les évêques de soutenir cette proposition, prit le parti de dissimuler, sentant fort bien la gravité du reproche qui lui était fait; comprenant qu'affirmer de la grâce de Dieu qu'elle nous est donnée selon nos mérites, c'était s'attaquer de front à la doctrine catholique et à la grâce elle-même, il se vit dans l'alternative nécessaire, ou d'anathématiser cette erreur, ou de se voir lui-même frappé d'anathème. Il prit donc le premier parti; mais ses écrits postérieurs prouvent clairement que l'anathème qu'il formula contre sa propre doctrine n'était qu'une feinte et une dissimulation, car depuis il n'a cessé d'enseigner que la grâce de Dieu nous est donnée selon nos mérites. Quoi qu'il eh soit, les Pélagiens recueillent avec soin dans l'Ecriture des passages comme celui-ci : «Convertissez-vous à moi et je me convertirai à vous »; ils en concluent que c'est uniquement en considération et en proportion de notre retour à Dieu, que nous est donnée la grâce divine par laquelle Dieu lui-même revient à nous. Ils ne veulent donc pas comprendre que, si notre retour à Dieu n'était pas lui-même un don de Dieu, des paroles comme les suivantes n'auraient plus aucune raison d'être : « Dieu des vertus, convertissez-nous2 ; ô Dieu, en vous « retournant vers nous, vous nous vivifiez; convertissez-nous, ô Dieu de notre salut3 »; et beaucoup d'autres expressions semblables qu'il serait trop long de rapporter. D'ailleurs, venir à Jésus-Christ, qu'est-ce autre chose que se tourner vers lui par la foi? Or, nous lisons : « Personne ne peut venir à moi, s'il n'en a reçu la grâce de mon Père4 ».
