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Mais, considérons ces mérites mêmes dont nous parle l'apôtre saint Paul, et qui recevront, dit-il, la couronne de justice de la part du souverain Juge. Voyons si ces mérites sont bien l'oeuvre propre et personnelle de cet Apôtre, et acquis par ses propres forces en dehors de tout concours surnaturel de la grâce ; ou bien, si ces mêmes mérites ne sont, à proprement parler, que les dons mêmes de Dieu. « J'ai combattu le grand combat », dit-il, «j'ai consommé ma course, j'ai conservé la foi ». Et d'abord si ces bonnes oeuvres n'avaient pas été précédées par de bonnes pensées qui, seules, pouvaient les inspirer, aucune de ces oeuvres ne se serait réalisée. Or, parlant de ces mêmes pensées, l'Apôtre écrit aux Corinthiens.
« Nous ne sommes pas capables de former de nous-mêmes aucune bonne pensée, comme de nous-mêmes, mais c'est Dieu qui nous en rend capables1 ». Examinons ensuite chacune de ces bonnes oeuvres en particulier. « J'ai combattu », dit-il, « le grand combat ». Je demande donc d'où lui venait cette force pour combattre; est-ce de lui-même, ou l'avait-il reçue du ciel? Mais à Dieu ne plaise que nous supposions jamais que cet Apôtre ignorât cette grande loi formulée dans le Deutéronome : « Ne dites point dans votre coeur : Ma force et la puissance de mon bras ont réalisé pour moi ces grands « prodiges; souvenez-vous, au contraire, que c'est le Seigneur votre Dieu qui vous donne la force d'accomplir toutes ces oeuvres2 ». D'un autre côté, de quelle utilité peut être ce généreux combat, à moins qu'il ne soit suivi de la victoire? Et qui donc nous donne la victoire, si ce n'est celui dont il est dit: « Rendons grâces à Dieu, qui nous donne la victoire par Jésus-Christ Notre-Seigneur3 ». Dans une autre circonstance, après avoir cité ce passage du psaume: « Parce que nous nous mortifions tout le jour à cause de vous, nous sommes regardés comme des agneaux destinés à la boucherie », l'Apôtre ajoute aussitôt: « Mais nous triomphons en toutes choses par celui qui nous a aimés4 ». La victoire ne vient donc pas de nous, mais de celui qui nous a aimés.
L'Apôtre continue : « J'ai consommé ma course ». Or, c'est lui-même qui avait dit ailleurs : « Cela ne dépend ni de celui qui veut, ni de celui qui court, mais de Dieu qui fait miséricorde5 ». Cette proposition ne saurait assurément se traduire ainsi: Cela dépend, non point de Dieu qui fait miséricorde, mais de l'homme qui veut et qui court: un tel langage serait en contradiction manifeste avec celui de l'Apôtre.
