37.
Ces préceptes de la dilection, c'est-à-dire de la charité, sont tellement grands et importants, que tout ce que l'homme peut faire de bien, n'est absolument d'aucune utilité, s'il agit sans la charité. Or, de tels préceptes, ne serait-ce pas en vain qu'ils seraient donnés aux hommes, si les hommes n'avaient pas le libre arbitre de leur volonté? Or, il est bien constant que ces préceptes sont clairement formulés dans la loi ancienne et dans la loi nouvelle, avec cette différence que la loi nouvelle nous apporte la grâce qui n'était que promise dans la loi ancienne; or, sans la grâce la loi est une lettre qui tue, tandis que dans la grâce se trouve l'esprit qui vivifie. Reste à savoir d'où vient dans les hommes la charité pour Dieu et pour le prochain. Ne vient-elle pas de Dieu lui-même ? En effet, si elle ne vient pas de Dieu, elle vient des hommes, et les Pélagiens ont raison ; ruais si elle vient de Dieu, c'est nous qui avons raison coutre les Pélagiens. Eh bien ! faisons asseoir au milieu de nous l'apôtre saint Jean, qu'il soit notre juge et qu'il nous dise : « Mes frères bien-aimés, aimons-nous les uns les autres ». A ces paroles de saint Jean, les Pélagiens triomphent et s'écrient : Pourquoi ce précepte nous est-il imposé, si ce n'est parce que nous tenons de nous-mêmes le pouvoir de nous aimer les uns les autres ? Or, d'une seule parole saint Jean confond leur orgueil, en affirmant que « la charité vient de Dieu1 ». La charité ne vient donc pas de nous, mais de Dieu. « Aimons-nous les uns les autres, parce que la charité vient de Dieu ». Pourquoi ces paroles, si ce n'est pour avertir, par ce précepte, le libre arbitre de chercher le don de Dieu ? Or, cet avertissement lui serait parfaitement inutile, s'il ne recevait d'abord un peu de charité, afin qu'il en demande lui-même davantage, c'est-à-dire assez pour accomplir le précepte qui lui est imposé. « Aimons-nous les uns les autres », voilà la loi ; « parce que la charité vient de Dieu », voilà la grâce. En effet, la sagesse de Dieu porte sur sa « langue la loi et la miséricorde». De là cette parole du psaume : « Celui qui a donné la loi donnera également la bénédiction2 ».
