4. Excellent avis de saint Antoine sur les vertus spéciales que nous devons étudier en chacun.
Le bienheureux Antoine disait admirablement qu'un religieux, après sa profession, pour s'élever à la perfection et parvenir par ses efforts et son discernement
à la sainteté des anachorètes, ne doit pas chercher dans un seul , quelque parfait qu'il soit , le modèle de toutes les vertus. Car un religieux brille par les trésors de la science, un autre possède une discrétion plus grande, un autre est mieux affermi dans la patience; un autre possède la vertu de la continence, un autre le don de la simplicité. Celui-ci surpasse les autres par le courage, celui-là par la miséricorde ou par ses veilles, par son silence, par son ardeur pour le travail.
Le religieux qui désire composer son miel spirituel doit, comme une abeille très-prudente, emprunter chaque vertu à celui qui la porte avec plus d'abondance et la déposer avec soin dans son coeur; il ne doit pas examiner ce qui manque à chacun, mais rechercher et étudier, au contraire, attentivement le bien qui est en lui. Si nous voulions trouver en un seul toutes les vertus, nous aurions bien de la peine, et il nous serait même impossible de rencontrer un pareil modèle. Quoique nous ne voyions pas bien encore que Jésus-Christ est tout en tous, comme le dit l'Apôtre (I Cor., XV, 28), nous pouvons cependant de cette manière, c'est- à-dire partiellement, le trouver en tous. Car c'est de lui qu'il est dit que n Dieu l'a fait notre sagesse, notre justice, notre sainteté, notre rédemption. » (I Cor., I, 30.) Puisque nous trouvons dans l'un la sagesse, dans un autre la justice, dans un autre la sainteté, ou la douceur, ou la chasteté, ou l'humilité, ou la patience, nous avons ainsi tout le Christ dans les saints qui sont ses membres.
Tous concourent dans l'unité de la fui et de la vertu à devenir l'homme parfait, eu formant la plénitude de son corps par la réunion de leurs différentes qualités. (Éph., IV, 13.) Nous pouvons donc, en attendant que Dieu soit tout en tous, le trouver dès maintenant dans les vertus particulières de tous, quoiqu'il ne soit pas encore complètement en chacun par leur perfection. La vie religieuse n'a qu'un seul but; mais nous tendons cependant à Dieu par des voies différentes , comme nous le verrons plus au long dans les Conférences des Pères. (Confér., I, XVIII, XIX.) Nous devons demander les règles de la discrétion et de la continence à ceux dans lesquels nous voyons briller davantage ces vertus par la grâce du Saint-Esprit. Ce n'est pas que nous pensions qu'un seul ne puisse posséder tous ces dons que Dieu partage entre plusieurs; mais pour ceux que nous pouvons acquérir, nous cherchons à imiter ceux qui les possèdent le plus parfaitement.
