II.
1 Dieu a ordonné que ce siècle injuste finirait après avoir duré un certain espace de temps, et que le péché étant détruit et le bonheur des gens de bien assuré, il y aurait sous son règne un siècle tranquille, heureux, et qui mériterait d'être appelé le siècle d'or, à plus juste titre que celui des poètes. L'égarement des philosophes procède principalement de ce qu'ils n'ont rien su de la création du monde, qui renferme les plus rares secrets de la divine sagesse. Ayant entrepris de les pénétrer par leurs propres lumières, bien que cela soit impossible, ils se sont engagés en des erreurs et des contradictions d'où ils ne peuvent sortir. Ils ont entrevu quelques vérités; mais ils n'en ont pu trouver les preuves, qui ne dépendent que de la révélation. Si l'homme pouvait pénétrer les œuvres de Dieu, il pourrait les imiter, l'an étant presque la même chose que l'autre. Or, comme il ne les peut imiter, revêtu qu'il est d'un corps faible et mortel, il ne les peut non plus pénétrer. Si nous considérons attentivement le monde et les merveilles qu'il renferme, nous reconnaîtrons aisément combien ce vaste ouvrage des mains de Dieu est au-dessus de tous les ouvrages des mains des hommes. Or, la sagesse de Dieu n'est pas moins au-dessus de la sagesse des hommes, que ses ouvrages sont au-dessus de leurs ouvrages. Comme Dieu est parfait, parce qu'il est immortel et incorruptible, sa sagesse est aussi parfaite. Comme il n'a rien qui lui sont contraire, il n'a rien aussi qui soit au-dessus de lui
2 Mais comme l'homme est sujet à plusieurs imperfections, sa sagesse est sujette à l'erreur; et comme il y a plusieurs obstacles qui empêchent que sa vie ne soit éternelle, il y a aussi plusieurs défauts qui empêchent que sa sagesse ne soit parfaite. Cette sagesse est extrêmement faible quand elle veut s'élever d'elle même à la connaissance de la vérité. L'âme étant enfermée dans le corps comme dans une prison fort obscure, n'a pas la liberté de s'étendre ni de regarder la lumière : il n'y a que Dieu qui connaisse ses ouvrages. L'homme ne peut arriver à la connaissance de la vérité, ni par la force de son esprit, ni par la subtilité de ses raisonnements, mais seulement par l'attention qu'il porte aux discours de celui qui peut seul l'enseigner, et par la docilité qu'il a pour recevoir sa doctrine. Cicéron, après avoir traduit un passage où Platon fait dire à Socrate que le temps était venu auquel il était prêt de sortir de la vie, au lieu que ceux devant qui il parlait, vivaient encore, ajoute : « Les dieux immortels savent lequel des deux est le plus avantageux: mais je suis persuadé que nul homme ne le sait. » Ainsi toutes les sectes ayant été inventées par des hommes sujets à l'erreur, et établies sur un autre fondement que celui de la parole de Dieu qui est infaillible, elles ne peuvent être que très éloignées de la vérité.
