XX.
1 Les tombeaux seront ensuite ouverts et les morts en sortiront pour être jugés par le roi et par le Dieu à qui le père a donné le pouvoir de juger et de régner. Voici ce que la sibylle Erythrée a prédit de son jugement et de son règne :
Dieu jugera les hommes à la fin du monde et établira sur eux sa puissance.
Une autre affirme :
Qu'alors la terre ouvrira son sein, et que les rois seront conduits devant le trône de Dieu pour être jugés.
Et en un autre endroit, les circonstances terribles de ce jugement sont plus expressément marquées, et il y est dit que le ciel sera ouvert, que les morts seront tirés de leurs tombeaux, et que les justes et les impies seront également jugés. Il est vrai pourtant que tous les hommes ne seront pas alors jugés, mais ceux-là seulement qui auront fait profession de la véritable religion. Il ne sera point nécessaire de juger ceux qui n'ont point connu Dieu, puisqu'ils ne sauraient recevoir aucune sentence favorable, selon le témoignage de l'Écriture, qui nous assure que les impies ne ressusciteront point pour paraître au jugement. Il n'y aura donc que ceux qui auront connu Dieu qui seront jugés, et dont les bonnes et les mauvaises actions seront mises dans la balance, afin que si les bonnes sont en plus grand nombre que les mauvaises, ils soient récompensés par la jouissance de la vie éternelle, et que si, au contraire, les mauvaises l’emportent sur les bonnes, ils soient condamnés au supplice. Peut-être que quelqu’un demandera en cet endroit, comment il se peut faire que l’âme que nous supposons immortelle soit condamnée au supplice et qu’elle en éprouve la rigueur; car si elle reçoit le châtiment dû à ses crimes, elle en souffrira de la douleur, et cette douleur lui causera la mort. Que si elle n’est pas sujette à la mort, elle ne l’est pas non plus à la douleur.
2 Voici de quelle manière il faut répondre à cette difficulté que proposent les stoïciens. Les âmes subsistent toujours et ne peuvent être réduites au néant; mais celles des gens de bien étant pures, impassibles et bienheureuses, elles retournent au ciel comme au lieu de leur origine, ou bien elles sont enlevées dans un pays heureux où elles jouissent des plus charmants plaisirs. Mais celles des impies qui se sont souillées par des désirs impurs, sont d’une condition qui tient comme le milieu entre la mort et l’immortalité; elles sont sujettes à la faiblesse comme à une maladie contagieuse, où elles sont tombées par l’habitude trop étroite qu’elles ont entretenue avec leurs corps; en se soumettant aux passions, elles ont contracté des taches qui ne se peuvent effacer, ce qui est cause que si, d’un côté, elles ne sont point sujettes à la mort, parce qu’elles sont originaires de Dieu, elles le sont de l’autre aux supplices et aux tourments, parce que leurs péchés leur ont laissé des impressions qui les rendent sensibles à la douleur.
Le poète a exprimé cette pensée par ces paroles :
L’homme n’est pas délivré de tous ses maux, quand il est délivré de la vie. Il y a des peines qui le suivent encore après sa mort, et lors même qu’il n’est plus sur la terre, il subit le châtiment dû aux crimes qu’il a commis.
Ces paroles semblent assez conformes à la vérité; car, bien que l’âme disparaisse comme une vapeur et qu’elle s’évanouisse comme un songe, et qu’à notre égard elle soit invisible et impalpable, elle n’échappe pas pour cela aux mains de la justice éternelle.
