XIII.
1 J'ai fait voir, si je ne me trompe, que l'âme n'est sujette à aucune dissolution. Il ne me reste plus rien à faire, si ce n'est de confirmer par autorité les raisons que j'en ai rapportées. Je n'emploierai point maintenant pour cet effet le témoignage des prophètes, dont tous les discours tendent à faire voir que l'homme est né pour servir Dieu, et pour mériter l'immortalité en le servant ; mais je produirai des auteurs que ceux qui rejettent la vérité n'oseraient récuser. Mercure Trismégiste, devinant la nature de l'homme, dit : « que Dieu le fit en partie mortel et en partie immortel, et qu'il le mit comme entre l'essence éternelle et immuable, et les essences sujettes au temps et au changement, afin qu'il pût tout voir et tout admirer. » Mais parce que quelqu'un le mettra peut-être au nombre des philosophes, bien qu'il ail été mis au nombre des dieux, et qu'il soit honoré comme tel par les Égyptiens, et qu'il prétendra que son autorité n'est pas plus grande que celle de Platon ou de Pythagore, j'apporterai un témoignage plus considérable. Un habitant de Polis, ayant consulté Apollon de Milet et lui ayant demandé si l'âme survivait au corps, ou si elle finissait avec lui, il répondit en ces termes :
Pendant que l'âme est enfermée dans le corps, elle est sujette aux maladies et à la mort ; mais dès qu'elle en est délivrée et qu'elle est montée au ciel, elle est exempte du la douleur et de toutes les incommodités de la terre.
2 Que dirons-nous des vers des sibylles? Ne publient-elles pas hautement la vérité que nous soutenons, quand elles déclarent que Dieu jugera les vivants et les morts. Ainsi, Démocrite, Épicure et Dicéarque se trompent, quand ils assurent que l'âme est mortelle. Ils n'oseraient parler de la sorte en présence d'un magicien qui saurait l'art de tirer les âmes de l'enfer, de les rendre visibles, et de leur faire prédire l'avenir; et s'ils l'osaient, ils seraient convaincus de la fausseté de leurs sentiments par des effets trop sensibles. Mais parce qu'ils n'ont pu découvrir la nature de l'âme, qui est en effet si subtile qu'elle échappe aux plus pénétrants, ils ont eu la témérité d'avancer qu'elle est sujette à la mort. Quel jugement ferons-nous d'Aristoxène, qui a nié que le corps eût une âme lors même qu'il est plein dévie, et qui a soutenu que ce que nous appelons âme, n'est autre chose que la puissance de sentir, qui dépend de la vigueur du corps et de la disposition des organes, de la même sorte que l'harmonie dépend des cordes et de la disposition d'un instru-ment de musique, ce qui est la chose la plus extravagante qu'on puisse jamais avancer. Ce philosophe avait de bons yeux à la tête, et n'en avait point à l'esprit, puisqu'il ne voyait pas qu'il avait une âme. Mais il y a eu des philosophes qui ont vu qu'il n'y a rien au monde que ce que les yeux y peuvent voir, bien que les yeux de l'esprit soient beaucoup plus perçants que ceux du corps pour découvrir des objets qui se font bien sentir, quoiqu'ils ne se laissent point voir.
