XIV.
1 Après avoir établi l'immortalité de l'âme, je crois devoir faire voir de quelle manière et en quel temps elle la reçoit, afin que ceux qui s'imaginent qu'elle a été donnée à des hommes par la volonté d'autres hommes, en reconnaissance de ce qu'ils auraient inventé l'art de cultiver la terre, ou quelque autre art utile à la société, ou de ce qu'ils auraient tué des bêtes farouches, reconnaissent l'extravagance, l'aveuglement et la corruption de leur erreur. J'ai déjà montré dans les livres précédons combien la récompense que ces services méritent est au-dessous de l'immortalité, et je le montrerai encore dans ceux ci, afin que tout le monde reconnaisse que la vie éternelle n'est due qu'à la vertu, et qu'il n'y a que Dieu qui la donne. Ceux que l'on se persuade avoir été mis au nombre des dieux. n'avaient garde de la mériter, puisqu'ils n'avaient point de vertu véritable, et que, bien loin de faire de belles actions qui les aient rendus dignes d'aucune récompense, ils ont commis des crimes horribles qui les ont rendus dignes d'un éternel supplice, qu'ils souffrent avec ceux-là même par lesquels ils ont été adorés comme des dieux. Je parlerai ici de ce jugement où la vertu doit être récompensée et le crime châtié.
2 Platon, et plusieurs autres philosophes, ayant ignoré le temps de la création de l'univers, se sont imaginés que plusieurs millions d'années s'étaient écoulées depuis son commencement jusqu'à leur siècle. Les Chaldéens ont fait à peu près la même chose ; car, comme Cicéron le témoigne dans le premier livre de la Divination, ils assurent qu'ils ont dans leurs archives une histoire de quatre mille soixante-dix années, en quoi ils ont menti d'autant plus hardiment qu'ils étaient persuadés qu'on ne pouvait les convaincre de mensonge. Mais nous qui avons puisé la vérité dans la source de l'Écriture, nous savons quel a été le commencement du monde et quelle en sera la fin. Je décrirai celle-ci dans le reste de cet ouvrage, parce que j'ai traité de l'autre assez au long dans le second livre. Que les philosophes qui comptent plusieurs millions d'années depuis le commencement du monde, sachent qu'il n'y en a pas encore six mille, et que dès que ces six mille seront écoulées, l'univers finira et l'état des choses changera de face. Pour donner quelque jour à ce sujet, il est nécessaire de le reprendre de plus haut. Dieu a achevé en six jours ce merveilleux ouvrage de l'univers, comme l'Écriture le témoigne, et s'étant reposé le septième, il l'a sanctifié, et c'est ce jour que les Juifs appellent le jour du sabbat, qui signifie le nombre de sept, qui est un nombre plein. Il y a sept jours dont la révolution continuelle forme le cours des années; il y a sept étoiles qui ne se couchent jamais; il y a sept planètes qui forment toutes les saisons par l'égalité de leur mouvement. Or, comme tous ces ouvrages de Dieu ont été achevés en six jours, il faut nécessairement qu'ils durent six siècles ou six mille ans. Le grand jour est de mille ans, selon les paroles du prophète: « Seigneur, mille ans ne sont devant vous que comme un jour. »
3 Comme Dieu a travaillé six jours pour achever tout cet ouvrage, ainsi la religion et la vérité travailleront six mille ans pendant lesquels l'injustice régnera ; et comme il s'est reposé le septième jour et qu'il l'a béni, il faudra qu'à la fin des six mille ans l'injustice soit abolie, que la justice règne mille ans sur la terre, et que l'univers jouisse d'une parfaite tranquillité. J'expliquerai en détail, et par ordre, la manière dont cela doit arriver. J'ai déjà dit plus d'une fois que les moindres choses sont souvent des figures et des images des plus grandes. Notre jour ordinaire, qui est terminé par le lever et par le coucher du soleil, est une figure et une image du grand jour qui est renfermé dans le cercle des six mille ans.-
4 La formation de l'homme terrestre est aussi une figure et une image de la formation de l'homme céleste. Comme Dieu, après avoir créé toutes les choses qui étaient nécessaires pour l'usage de l'homme, l'a fait le dernier, le sixième jour, et l'a placé dans le monde comme dans un palais bien meublé ; ainsi le Verbe formera un saint peuple par ses principes et par sa doctrine, au grand jour qui sera le dernier des six mille ans ; et comme Dieu n'a fait au commencement du monde qu'un homme mortel et imparfait, afin qu'il vécût mille ans sur la terre, ainsi il fera à la fin un homme parfait, afin qu'ayant une nouvelle vie, il règne sur la même terre durant mille ans. Quiconque lira avec soin les livres sacrés, y apprendra de quelle manière arrivera la fin du monde. Les hommes du siècle qui se sont mêlés de prédire l'avenir, se sont accordés avec les prophètes juifs dans les descriptions qu'ils ont faites de la décadence et de la vieillesse, qui doit prendre dans peu de temps le débris de l'univers. Je recueillerai tout ce que les peuples ont dit des circonstances qui arriveront avant la ruine du monde.
