VIII.
1 L'immortalité est donc le souverain bien auquel nous sommes destinés dès notre commencement et dès notre naissance. C'est la fin où nous tendons et où nous arriverons par la vertu. Il est bien juste d'en parler, puisque nous avons été assez heureux pour la découvrir. Quelque justes qu'aient été les arguments de Platon, ils n'avaient pas toute la solidité nécessaire pour établir parfaitement la vérité, parce qu'il n'avait pas compris les raisons de ce mystère. Il avait les sentiments qu'il faut avoir de l'immortalité de l'âme, mais il n'en parlait pas comme du souverain bien. Nous pouvons parler avec plus d'assurance, puisque nous avons, non des conjectures et des doutes, mais une connaissance que nous avons tirée de la doctrine de Dieu même. Quant à Platon, il a raisonné de cette sorte : « Tout ce qui a, dit-il, du sentiment et du mouvement par soi-même est immortel, car ce qui n'a point de principe de son mouvement, n'a point aussi de fin, puisqu'il n'a garde d'être abandonné par soi-même. » Il aurait attribué par cette manière de raisonner l'immortalité aux bêtes, s'il ne les en eût exclues, en ajoutant qu'il n'y a que l'âme de l'homme qui soit éternelle. Il explique cette proposition, en remarquant la subtilité de ses inventions, la promptitude de ses pensées, la facilité de ses conceptions, le souvenir qu'elle conserve du passé, la prévoyance qu'elle a pour l'avenir, et la connaissance d'une multitude presque incroyable d'arts et de sciences dont les autres animaux n'ont pas la moindre teinture. « Cette âme, ajoute-t-il, qui est capable de tant de grandes choses, descend sans doute du ciel, puisque l'on ne saurait trouver son origine sur la terre. Elle n'a rien de terrestre, et tout ce qu'il y a de terrestre dans l'homme retourne à la terre d'où il a été tiré; au lieu que ce qu'il y a de subtil et de céleste retourne au ciel, dès qu'il est délivré du corps où il avait été renfermé comme dans une prison. » Voilà un abrégé fidèle de la doctrine de Platon, qui est expliquée fort au long dans ses ouvrages.
2 Pythagore avait été dès auparavant dans le même sentiment, aussi bien que Phérécide, son maître, qui, selon le témoignage de Cicéron, a parlé le premier de l'immortalité de l'âme. Mais bien que ces philosophes aient excellé en éloquence, ils n'ont remporté aucun avantage dans cette dispute sur Dicéarque, sur Démocrite et sur Epicure, qui ont soutenu le sentiment contraire; et la matière est demeurée si peu éclairée, que Cicéron, après avoir rapporté toutes ces opinions différentes, avoue franchement qu'il ne sait laquelle il doit embrasser : « Il faut, dit-il, avoir une lumière divine pour découvrir laquelle de ces opinions est la véritable. » Et dans un autre endroit, il écrit ce qui suit: « Chacune de ces opinions ayant été soutenue par de savants hommes, on ne saurait deviner ce qu'ils ont dit de certain. » Nous n'avons pas besoin de deviner, nous, à qui Dieu a révélé la vérité.
