V. 2 et 3.
« Le coeur du sage est dans sa main droite, et le coeur de l'insensé est dans sa main gauche. L'insensé, de plus, lorsqu'il marche dans la rue, le cœur dépourvu de sens, s'imagine que tous ceux qu'il voit sont des insensés. » Le commandement qu'on nous fait dans l'Evangile porte aussi que la main gauche du sage ne doit pas savoir ce que fait sa droite ; et quand on nous ordonne de présenter l'autre joue à celui qui nous a déjà frappés sur la joue droite, il faut entendre cela d'une autre joue droite, parce que dans le juste tout y est «droit,» et que tout ce qui s'appelle« gauche » est indigne de lui. Nous savons encore que quand notre Sauveur viendra pour juger le monde, il mettra du côté de sa main droite les agneaux, et les boucs du côté de sa main gauche. Enfin il est dit dans les Proverbes: « Le Seigneur tonnait les voies droites ; mais celles qui ne sont pas droites sont du côté gauche. » De là on doit tirer cette conclusion, que celui qui est sage doit toujours penser au siècle futur, parce que cette pensée nous fait aller du côté droit; mais pour l'insensé qui ne regarde que les choses présentes qui l'attachent à ce monde , il va sans cesse du côté gauche, qui le mène au précipice.
Mais ne pensons pas qu'il y ait quelque contradiction entre les maximes que nous venons de proposer et ce qui est dit dans ce passage des Proverbes: « Ne vous détournez point ni à droite ni à gauche; » car dans les passages que nous avons rapportés le « côté droit » se prend en bonne fart, et marque le parti du bien et de la vertu; au lieu que dans ces dernières paroles du livre des Proverbes on blâme et condamne ceux qui s'éloignent de la droite, et non pas la partie droite elle-même; c'est-à-dire qu'on nous avertit de ne pas excéder la juste mesure, de ne pas vouloir être plus sages qu'il ne nous convient, nous souvenant que les vertus sont placées dans un juste milieu et comme dans le centre de leur sphère. Les vices au contraire ne connaissent ni tempérament ni mesure, ils tombent toujours dans quelque excès et aiment le trop ou le trop peu.
Quant à ce dernier verset où nous lisons « Mais l'insensé qui marche dans les rues, et dont le coeur est dépourvu de bon sens, s'imagine de ne rencontrer que des fous, » je crois qu'il faut lui donner ce sens : L'insensé qui pèche et qui tombe souvent dans des crimes se persuade que tous les autres en font autant, et il en juge par ses propres dispositions. Symmaque a suivi cette explication , puisqu'il a traduit de cette manière : « Mais l'insensé quand il marche dans le chemin , quoiqu'il soit lui-même un homme sans jugement, il a si mauvaise opinion des autres qu'il les prend tous pour des insensés. » Les Septante nous ont donné un sens différent de celui-ci en disant : «Tout ce qui tombe dans l'esprit de l'insensé est plein de vanité et d'extravagance. »
