V. 9
« Celui qui transporte des pierres en est souvent meurtri, et celui qui fend du bois est en danger d'en être blessé. » nous lisons dans le prophète Zacharie qu'il y a des pierres sacrées qui roulent sur la terre; c'est-à-dire qu'elles ne tiennent pas à la terre, qu'elles n'y sont pas ai tachées ni enfoncées, parce qu'elles s'élèvent continuellement en haut, qu'elles ne font que passer sur la terre, et qu'elles cherchent à être placées au lieu digne de leur destination, au lieu le plus sublime de l'édifice dont Dieu est l'architecte. Ces mêmes pierres, qui sont si précieuses dans l'Alocalypse, sont celles qui doivent servir à bâtir la ville sainte du Sauveur du monde ; et l'apôtre saint Paul parle souvent de ces pierres vives dont Dieu a bâti son Eglise. Si quelqu'un donc se laisse pervertir par les artifices des hérétiques, ou s'il ôte à l'Eglise quelqu'une de ces pierres pour les transporter ailleurs, il en souffrira un jour des peines et des tourments.
Mais comme l’Ecriture ne s'est point expliquée sur la qualité des pierres , et qu'on peut les prendre en bonne ou en mauvaise part, tâchons d'expliquer ce verset dans un sens contraire au premier, et disons que les méchantes pierres sont les coeurs endurcis, figurés dans le livre du Lévitique par une maison qui est gâtée de lèpre. S'il arrive donc qu'un ecclésiastique, je veux dire un évêque ou un prêtre, soit obligé de retrancher du corps de l’Eglise par l'ordre de Dieu une pierre gâtée, pour être brûlée et réduite en cendre, alors le ministre du Seigneur en ressentira de la peine et dira avec saint Paul : « Je pleure avec ceux qui pleurent, et je m'afflige avec ceux qui sont affligés; » et ailleurs: « Qui est dans les peines et dans les misères sans que j'y sois aussi? qui est tenté et scandalisé sans que je sois moi-même dans le feu des épreuves? » Celui aussi qui fend du bois court risque d'être blessé par ce même bois. Les hérétiques sont des arbres sans fruit, des arbres sauvages et inutiles. C'est pour cela qu'il était défendu de planter des bois dans le temple de Dieu et d'y faire des ombrages de feuilles, qui signifient les discours vains et inutiles qui ne sont point accompagnés de bonnes oeuvres. Quelque sage donc et quelque savant qu'un homme soit, il périclite dans les disputes quand il entreprend de couper par l'épée de la parole les hérétiques, figurés par les bois et les arbres sans fruit. S'il n'est bien sur ses gardes, et si dans la dispute ses raisonnements n'ont pas toute la force ni la justesse qu'ils devraient avoir, non plus que ses paroles tout le piquant et le brillant qu'il est nécessaire pour faire tomber tout ce que les erreurs peuvent opposer, il se trouvera pris lui-même par la force de leurs arguments captieux, et, étant perverti par ceux qu'il voulait faire changer, il se blessera lui-même, et se confirmera de plus en plus dans la mauvaise doctrine qu'il avait voulu combattre. C'est le sens de la traduction des Septante, où nous lisons : « Il sera fortifié par la force , » c'est-à-dire : par une sagesse vaine et superflue qui n'apporte aucun profit ni aucun avantage à celui qui la possède.
