V. 5
« Il y a temps de jeter çà et là des pierres et temps de les ramasser.» Je suis surpris qu'un homme d'érudition et fort éloquent ait pu donner un sens ridicule à ces paroles. Salomon, dit-il, parle en cet endroit des maisons qu'on abat et qu'on bâtit ordinairement. Les hommes donc renversent et rétablissent leurs maisons comme bon leur semble. Les uns sont occupés à faire des amas de pierres pour bâtir, les autres à renverser les bâtiments déjà faits. Ce qui fait qu'on peut leur appliquer ce que dit Horace: « Il renverse, il bâtit, il change en rond ce qui était carré,etc. » Je laisse au jugement du lecteur à décider si cette application est bonne ou mauvaise, et je reviens à mon explication précédente. Le temps de jeter des pierres et de les ramasser est marqué, ce me semble, dans ces paroles que saint Jean-Baptiste dit dans saint Mathieu : « Dieu est tout-puissant pour faire naître de ces pierres des enfants à Abraham. » Lorsque les gentils étaient répandus par toute la terre, sans connaissance du vrai Dieu.. on pouvait les comparer à des pierres jetées deçà et delà ; mais lorsqu'ils sont entrés dans l'Eglise et qu'ils ont embrassé la foi de Jésus Christ, ils ont été alors des pierres choisies et des pierres ramassées.
« Il y a temps de s'embrasser et temps de s'éloigner clos embrassements.» En prenant ce texte simplement et dans un sens propre, il se présente de lui-même à l'esprit, surtout si l'on se souvient d'un passage de l'Apôtre qui convient là celui de l'Ecclésiaste : « Ne vous refuser point l'un à l'autre le devoir du mariage, si ce n’est d'un consentement mutuel, afin de vous exercer à l'oraison. » Les personnes mariées doivent se rendre ce devoir conjugal pour avoir des enfants, ensuite ne penser qu'à la continence et à la chasteté. On peut dire encore que le temps de s'embrasser était le. temps où Dieu disait aux hommes : « Croissez et multipliez-vous, et remplissez la terre », au lieu que le temps de s'éloigner des embrassements est le temps de la loi nouvelle, où les apôtres l'ont souvenir les fidèles que « le temps est court » et que «ceux mêmes qui ont des femmes doivent être comme s'ils n'en avaient point. »
Mais si nous voulons nous élever à des sens plus sublimes, nous verrons que la sagesse embrasse étroitement cens qui l'aiment et qui la recherchent. « Ayez du respect pour la sagesse,» vous dit l'Ecriture ; « aimez-la et elle vous embrassera. » Elle vous recevra entre ses bras et vous serrera dans son sein, comme une mère pleine de tendresse embrasse ses enfants. Il est vrai que l'esprit de l'homme est trop faible pour s'élever toujours en haut et pour ne penser qu'à des mystères divins et très sublimes ; cette continuelle application aux choses célestes n'est pas de cette vie; nous sommes obligés malgré nous de nous relâcher des exercices de la contemplation et d'avoir soin des nécessités du corps. C'est pourquoi il y a temps d'embrasser la sagesse et, de vaquer à la considération des choses spirituelles ; mais il y a temps aussi de nous en éloigner, et de quitter ces nobles occupations pour secourir une nature et un corps fragiles,aux besoins desquels nous devons accorder tout ce qui est nécessaire à la. vie, excepté ce qui pourrait déplaire à Dieu et nous faire tomber dans le péché : Et his, quibus vita nostra absque peccato indiget, serviamus.
