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Ces nombreux et graves motifs devraient sans doute suffire pour nous interdire toute parole de mépris contre la sainte virginité, quand même nous pourrions le faire impunément. Mais cette impunité, n'y comptons pas, car le Seigneur enveloppe dans les mêmes châtiments l'imprudent qui élève la voix contre son frère, ou qui scandalise le fils de sa mère, et le téméraire qui blasphème le chef-d'oeuvre de la sagesse divine. Ecoutez plutôt ces paroles d'Isaïe : Malheur à vous, qui appelez mal le bien, et bien le mal; qui changez les ténèbres en lumières, et la lumière en ténèbres; l'amertume en douceur, et la douceur en amertume! (Isaïe. V, 20.) Or, quoi de plus délicieux que la virginité ? de meilleur et de plus brillant? elle rayonne plus splendidement que l'astre du jour, et elle ne détache nos regards de tous les objets créés que pour les fixer sur le divin Soleil de la justice éternelle. Mais si le prophète Isaïe tonne ainsi contre ceux qui s'égarent eux-mêmes dans leurs vains jugements, Habacuc reprend avec non moins de forcé ceux qui répandent au dehors ces doctrines perverses. Malheur, dit-il, lui aussi, malheur à celui qui présente à son ami un breuvage empoisonné ! (Habac. II, 15.) Et notez que ce mot malheur comprend tout un ensemble de calamités et de châtiments irrévocables; et il signifie, dans l'Ecriture, l'exécution prochaine et assurée des menaces divines.
Un autre prophète reproche aux Juifs, comme une faute grave, d'avoir offert du vin aux Nazaréens. (Amos, II, 12.) Mais si cette action mérite un blâme sévère, quel supplice ne doit pas attendre le téméraire qui répand dans un coeur simple et innocent le breuvage empoisonné de l'erreur? Le Seigneur punit avec rigueur sur les Israélites la transgression de sa loi, même dans une de ses moindres prescriptions ; et il ne châtierait pas sévèrement l'audacieux qui par ses discours renverse tout l'ensemble des préceptes évangéliques ! Celui, dit Jésus-Christ, qui scandalise un de ces petits qui croient en moi, mériterait qu'on suspendît une meule de moulin à son cou, et qu'on le jetât au fond de la mer. (Matth. XVIII, 6.) Tremblez donc, ô vous qui ne scandalisez pas seulement quelques enfants, mais des multitudes entières ! L'Evangile nous assure que celui qui aura appelé son frère du nom de fou, n'évitera point les flammes de l'enfer : quels trésors de colère armassent donc sur leurs têtes les imprudents qui calomnient cette belle vertu qui nous égale aux anges !
Vous n'ignorez point que Marie, sueur de Moïse, fut sévèrement punie pour avoir murmuré contre son frère. Mais combien ses murmures comparés à vos blasphèmes, paraissent-ils légers et modérés ! Loin de calomnier Moïse et de déprécier son mérite, elle l'entourait d'estime et de vénération , et se bornait à dire qu'elle aussi possédait l'esprit de Dieu. Et cependant le Seigneur jugea que cette seule parole était une faute si grave qu'il repoussa les prières mêmes du frère qu'elle avait offensé, et qu'il ne voulut point abréger la. durée de son châtiment.
