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Mais, supposons par impossible, un mariage qui réunisse toutes les conditions de bonheur. Les enfants sont nombreux, distingués et vertueux ; la femme est belle, modeste et le modèle des mères de famille; l'union des cours est parfaite, la vieillesse heureuse, la famille noble et illustre, et les emplois hauts et élevés. Ajoutez encore que l'inquiétude de l'avenir, ce ver rongeur de tout bonheur humain, n'atteint point ces fortunés époux, qu'ils ne connaissent ni la crainte, ni le chagrin, ni la douleur, qu'ils sont assurés de mourir au même instant, et de couronner une longue vie par la plus grande comme par la plus douce des jouissances, celle de laisser de dignes héritiers; quel sera le résultat final de tous ces avantages? et que recueilleront-ils au delà du tombeau de toutes ces prospérités de la vie? Et en effet une nombreuse postérité, une épouse belle et aimable, une union heureuse, et une longue vieillesse ne nous seront d'aucune utilité auprès du souverain Juge, et en présence des biens véritables de l'éternité. Toute la félicité du mariage n'est donc qu'une ombre et qu'un songe, puisque ce bonheur passé ne doit point nous suivre dans cette éternité qui s'ouvrira devant nous, et que sa jouissance, ou sa privation ne seront comptées pour rien. Je suppose, que, dans le cours d'une vie de mille ans, vous ayez pendant une seule nuit, fait un rêve délicieux, vous estimeriez-vous beaucoup plus heureux que celui qui n'aurait pas eu ce rêve ? Mais que dis-je ? Le bonheur du ciel diffère plus.de toutes les joies de la terre qu'un rêve de la réalité; et une seule nuit est plus longue dans une vie de mille ans, que cette même vie comparée à l'éternité. La virginité au contraire possède des avantages réels, grands et durables. Il importe de les examiner en détail.
