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J'admets cependant que vous soyez à ce sujet sans crainte et sans inquiétude, et je vous demande à quoi vous sert tout ce luxe. — Il m'attire les regards et l'admiration. — Oui, c'est votre parure qui attire les regards; mais votre personne ne provoque que le dédain et la raillerie, car on vous reproche un faste au-dessus de votre condition. Si la nature vous a douée de grâces et de beauté, la somptuosité de votre parure en détruit l'aimable simplicité et en ternit l'éclat. Si au contraire la nature vous a peu favorisée, vous cherchez vainement à couvrir ces disgrâces sous une éblouissante parure : tout ce luxe et toute cette recherche n'aboutissent qu'à les faire mieux ressortir. L'éclat de vos mille pierreries ne rayonne sur vos défauts corporels que pour les présenter au grand jour, tout comme dans un tableau le jeu de la lumière fait remarquer les objets sombres et hideux. C'est ainsi encore que la difformité de la taille se dessine plus nettement sous lés plis d'une robe richement nuancée, et que l'art et l'industrie la plus délicate, loin de dissimuler les défauts de la figure; les font encore ressortir par la comparaison qu'elles donnent lieu d'établir entre la parure empruntée et factice, et la laideur naturelle d'une personne. Ces étoffes chargées d'or, ces pierreries tout étincelantes, et tout ce luxe que vous étalez, me représentent assez bien un robuste et vigoureux athlète qui repousserait dédaigneusement un nain difforme et disgracieux. N'est-ce pas en effet ce qui vous arrive? On admire votre parure, mais on la sépare de votre personne : et vous ajoutez ainsi le ridicule à votre laideur première.
