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Nous voyons que le sujet en présence du prince, le particulier devant le magistrat, et l'esclave en face de son maître, ne parlent que les yeux baissés et l'esprit attentif. Viennent-ils, ou se plaindre d'une injure reçues ou solliciter une grâce , ou demander le pardon d'une faute, toujours ils se tiennent profondément recueillis. Ils savent, en effet, que la moindre légèreté empêcherait le succès de leur démarche, et même serait sévèrement punie. Mais s'il faut tant de précautions pour apaiser la colère d'un homme; que deviendrons-nous, malheureux et infortunés , nous qui abordons avec une insouciante légèreté le Dieu souverain, contre lequel nous avons si souvent péché ! Oui, quel est l'esclave qui offense son maître, ou le sujet son roi, comme nous offensons le Seigneur? Jésus-Christ, pour nous le faire comprendre, compare les péchés contre le prochain à une dette de cent deniers, et les offenses à la Majesté divine à une dette de dix mille talents. C'est pourquoi l'Apôtre agit avec sagesse, quand il exhorte les époux à s'abstenir du mariage, dans les jours où ils veulent fléchir la colère du Seigneur, et obtenir le pardon de leurs fautes. Mes chers amis, semble-t-il leur dire, il s'agit du salut de votre âme; et plus ce salut est important, plus aussi vous devez être saisis de crainte, de trouble et d'effroi. Nous nous présentons devant un maître sévère, que nous avons souvent offensé, et qui exigera un compte rigoureux; ce n'est donc plus le temps des tendres caresses et des molles voluptés, mais bien celui des larmes et des gémissements, de l'humiliation et de la confession, du repentir sincère et de la prière fréquente. Heureux encore si nous pouvons, à ce prix, nous rendre le Seigneur propice et favorable. Ah ! sans doute, loin d'être dur et cruel, il est la douceur et la bonté même, mais la grièveté de nos fautes ne lui permet pas, malgré sa bonté, sa clémence et sa miséricorde, de nous accorder facilement notre pardon.
Telles sont les raisons pour lesquelles l'Apôtre prescrit la continence, pour vaquer au jeûne et à la prière. Comprenez-vous maintenant combien le joug du mariage est lourd et pesant. Je voudrais réaliser quelques progrès dans la -vertu, et m'exercer à la pratique du jeûne et du recueillement. Je voudrais purifier mon âme, et sur l'aile de la prière m'envoler aux cieux, mais mon épouse n'y consent point, et je dois m'incliner devant son caprice. Qu'elle est donc vraie cette parole de saint Paul : Il est avantageux à l'homme de ne s'approcher d'aucune femme! et les apôtres, eux aussi, avaient bien raison de s'écrier : Si telle est la condition des époux, il n'est pas bon de se marier. (Matth. XIX, 40.) Cette exclamation était comme le cri d'une âme, qui comprend tout ce que l'union conjugale apporte avec elle d'entraves et de difficultés.
