XII.
Mais j'oublie que ce n'est qu'une lettre, déjà beaucoup trop longue, que j'écris pour répondre à la vôtre. J'avais promis de trouver dans votre lettre toutes les raisons possibles pour vous persuader de la fausseté de votre croyance et de la vérité de la foi catholique. Si j'ai parlé d'autres écrits, c'était pour me soustraire à la nécessité de dire partout la même chose. II y a un point qui nous sépare, le voici Vous prétendez que le mal est une substance; nous, au contraire, nous voyons dans le mal, non pas une substance, mais la tendance en vertu de laquelle une nature supérieure s'incline et descend vers ce qui lui est inférieur. Ecoutez vos propres enseignements. Vous affirmez dans votre lettre que l'âme est amenée au péché, non pas par sa propre volonté, mais par son mélange avec la chair. Aussitôt, vous apercevant sans doute- que s'il, en est ainsi, toute âme doit chercher son secours dans le Dieu tout-puissant, et qu'aucune ne peut être condamnée, puisque, ce n'est pas volontairement qu'elle a péché ; forcé par là de conclure à l'absurdité du système par lequel Manès établit que les âmes, même celles qui viennent du royaume de la lumière, sont terriblement punies, saisissant donc le faible de votre argumentation, vous ajoutez avec une habileté que j'admire: « Mais si, quand elle se connaît, elle consent au mal et ne s'arme pas contre l'ennemi, son péché devient l'oeuvre propre de sa volonté ». C'est bien, vous avez raison d'avouer que l'âme peut pécher par sa propre volonté. Mais quel est donc le mal auquel elle ne peut donner son consente ment, sans pécher par sa propre volonté ? Ce mal ne peut être que celui dont vous faites une substance.
