XV.
De quelle substance? C'est ce qu'il nous faut rechercher. Mais l'évidence est ici la seule réponse; car si la persuasion réside dans celui qui persuade, où peut se trouver le consentement, si ce n'est dans la nature qui consent? L'âme, quand elle consent au mal, est une substance; mais le consentement n'est pas une substance. Cela suffit, je pense, pour vous convaincre que le consentement réside dans la volonté même; c'est ce consentement qui constitue le péché, comment pourrait-il ne pas être mauvais ? De là vous pouvez conclure que le mal peut exister dans une substance bonne en elle-même, c'est-à-dire dans l'âme, sans que pour cela le mal soit une substance; tel est, en particulier, le consentement ; il suffit qu'il soit mauvais pour qu'on puisse dire de l'âme qu'elle est mauvaise. Elle l'est, en effet, quand elle pèche. et elle pèche quand elle consent au mal. Ainsi cette âme, en tant que substance, est bonne en elle-même, mais elle devient mauvaise quand le mal entre en elle, sans qu'il soit pour cela une substance, et il y entre quand elle donne son consentement au mal. En effet, un tel consentement prouve en elle non pas un progrès, mais une défaillance. Elle défaille quand elle consent au mal, elle perd quelque chose de ce qu'elle était, elle n'a plus la valeur qu'elle avait quand, fidèle à la vertu, elle n'avait encore donné aucun consentement au mal; enfin, elle s'amoindrit d'autant plus qu'elle incline davantage vers ce qui est moindre. Or, plus elle s'amoindrit, plus elle se rapproche du néant; car ce qui diminue de plus en plus, tend de plus en plus à cesser d'être. Sans doute, elle n'en arrivera jamais à ce point, mais je tenais à constater que toute diminution est un commencement de destruction. Ouvrez donc les yeux, et comprenez que c'est un bien d'être une substance, et que le mal, dès lors, est une diminution dans la substance. Toutefois, pour qu'une diminution soit coupable, elle doit être volontaire; c'est ce qui arrive quand une âme raisonnable quitte le Créateur pour s'incliner vers la créature; c'est là ce qui constitue proprement le péché. Quant aux diminutions qui ne sont pas volontaires, ou bien elles ont un caractère purement pénal, car, sous une providence infiniment juste, tout péché mérite un châtiment; ou bien elles sont l'effet de l'harmonie universelle en vertu de laquelle les choses humaines se succèdent dans un ordre admirable, et cette variété constitue un des principaux caractères de la beauté dans la nature. Qu'est-ce qu'un discours, sinon une succession plus ou moins bien harmonisée de syllabes qui naissent, disparaissent, et après une suspension plus ou moins longue sont rem. placées par d'autres qui auront la même destinée? Ajoutons que l'art consiste à disposer symétriquement et selon le but qu'on se propose, chaque partie, chaque phrase, chaque syllabe du discours, mais ce n'est pas lui qui éclate dans le son, naît et disparaît dans les syllabes. De même la beauté, dans l'ordre naturel, résulte de ce magnifique ensemble où la naissance et la mort, l'apparition et la disparition des différents objets s'accomplissent dans un ordre régulier, jusqu'à ce que chaque chose arrive au terme qui lui est assigné. Parce que, dans les créatures spirituelles, tout se passe encore d'une manière plus admirable, ce n'est pas une raison pour dire que la nature matérielle soit mauvaise. Les unes et les autres jouissent de la beauté qui leur est propre, et proclament à l'envi l'infinie sagesse de Dieu, dont les secrets sont impénétrables, dont l'immensité est sans borne, qui crée et gouverne toutes thèses dans un ordre parfait.
