XXII.
Quant à ces paroles qui n'obtiennent pas davantage grâce à vos yeux : « Tuez et mangez1 », elles n'ont dans les Actes des Apôtres qu'une signification spirituelle. Prenons-les même dans le sens matériel; ce n'est pas la manducation qui est digne de mépris, c'est la gourmandise. Du reste, je croyais que, même dans son sens charnel, cette maxime devait vous agréer, puisqu'elle vous permet d'immoler la chair, de briser ainsi les prisons et les chaînes qui retiennent votre dieu misérablement captif, de le mettre en liberté; et si après la manducation quelques restes de lui-même subsistent encore dans la nourriture, le travail de la digestion devrait compléter cette oeuvre de purification. Vous triomphez orgueilleusement parce que j'ai échappé une parole de plainte sur la stérilité de Sara. Remarquez que ma plainte n'était pas absolue, car cette stérilité était prophétique. Or, pour être conséquents avec vos fables sacrilèges, ce que vous devriez pleurer, ce n'est pas la stérilité de Sara, mais sa fécondité. En effet, la fécondité dans une femme, n'est-ce pas le plus grand malheur qui puisse arriver à Dieu? Aussi, je vois que parmi vous. on ne doit pas s'étonner de trouver l'accomplissement de cette menace prophétique
« Ils interdiront les noces2 ». Ce que vous détestez, ce sont moins les relations charnelles que le mariage lui-même. Cependant, dans le mariage, la génération dans sa cause n'est point un vice, mais un devoir. Dès lors, si nous voyons des hommes pieux et de saintes femmes se condamner à la continence; ce n'est pas dans le but d'éviter un mal, mais de choisir l'état le plus parfait. J'ajouterai même que, pour certains époux, comme Abraham et Sara par exemple, le devoir conjugal doit être apprécié non pas au point de vue de la société humaine, mais uniquement dans les desseins de la divine Providence. Une fois admis que Jésus-Christ devait venir dans une chair mortelle, on doit conclure que le mariage de Sara l'a servi aussi bien que la virginité de Marie.
