VII.
Dans ce texte de l'Apôtre il y a deux points nécessaires à considérer entre nous D'abord, s'il y avait une seule créature étrangère à Dieu, l'Apôtre ne pourrait plus dire que Dieu en est le Créateur; ensuite, si le Créateur et la créature étaient d'une seule et même substance, on ne pourrait plus faire un reproche aux hommes de ce qu'ils ont servi la créature de préférence au Créateur; car, que l'on serve l'un ou l'autre, ce serait toujours à la même nature et à la même substance que l'on resterait uni. De même qu'on ne peut adorer le Fils sans adorer le Père, parce qu'il y a entre eux unité de nature; de même on ne pourrait servir la créature sans servir par là même le Créateur, s'ils étaient l'un et l'autre d'une seule et même substance. Avec un peu de réflexion vous pouvez conclure de là qu'il y a une distance infinie entre le Créateur et la créature, et dès lors, que la génération dans le Créateur ne peut avoir pour terme une simple créature; autrement la créature, loin d'être inférieure à Dieu, serait à son égard dans une parfaite égalité de substance; l'adorer ce serait adorer le Créateur lui-même. Or, l'Apôtre réprimande vivement et couvre de honte ceux qui ont adoré et servi la créature de préférence au Créateur ; quelle preuve plus évidente pouvait-il donner de leur différence de nature ? De même qu'on ne peut voir le Fils, c'est-à-dire le comprendre, qu'on ne comprenne en lui le Père, selon cette parole : « Celui qui me voit, voit aussi mon Père1»; de même le Fils ne peut être honoré sans que le Père soit honoré en lui. Si donc la créature était Fils de Dieu, celle-ci ne serait jamais honorée sans que le Créateur le fût par le fait même, et dès lors il n'y aurait plus lieu de condamner ceux qui ont honoré la créature de préférence au Créateur. Vous comprenez, je pense, qu'il ne vous est pas permis d'appeler Jésus-Christ le premier-né de l'ineffable et auguste Majesté et le Roi des lumières, à moins que vous ne renonciez au manichéisme, et qu'alors vous puissiez établir une distinction entre le Créateur et la créature. Alors aussi vous comprendrez que Jésus-Christ est le Fils unique de Dieu en tant qu'il est le Verbe de Dieu, Dieu en Dieu, immuable et éternel comme Dieu, et pouvant ainsi sans usurpation se dire en tout égal à Dieu2. Vous comprendrez qu'il est le premier-né de toute créature, en ce sens que tout a été créé en lui et par lui, au ciel et sur la terre, les choses visibles et les choses invisibles. Vous connaissez, je pense, les paroles de l'Apôtre aux Colossiens3.
