XXIV.
Vous prodiguez les éloges à mes moeurs et à mon zèle d'autrefois, et vous cherchez ce qui a pu produire en moi un changement aussi subit. Puis, usant d'une multitude de circonlocutions, vous prononcez le nom de l'antique ennemi de tous les fidèles, des saints et de Notre-Seigneur Jésus-Christ lui-même, vous désignez clairement le démon en personne. Tout ce que je puis vous dire sur ma conversion, c'est que si, en disant anathème à vos erreurs je n'avais pas été assuré de devenir meilleur, je ne me serais pas réfugié dans le sein de l'Eglise et de la foi catholique. Je savais déjà que j'ai quitté le mal pour le bien; mais, supposé que je l'eusse ignoré, vous auriez dissipé tous mes doutes par le mot dont vous vous servez pour caractériser ma conversion. En effet, admettons pour un instant, comme vous l'affirmez, que mon âme soit la nature même de Dieu, elle ne pourrait alors changer ni en bien ni en mal, que ce changement vienne d'elle-même ou qu'il vienne du dehors. Cependant j'ai changé, car j'ai renoncé à votre erreur pour embrasser cette foi catholique qui seule nous donne une juste idée de Dieu, en nous apprenant à croire à son immutabilité absolue. Si donc ma conversion déplaît à quelqu'un, ce ne peut être qu'à ceux qui ne veulent pas croire que Dieu soit immuable. Oui, le démon est l'ennemi des saints, non pas en ce sens qu'il combat contre eux en vertu du principe d'une nature contraire, mais parce qu'il jalouse la félicité éternelle dont il a été dépossédé. Parce qu'il a changé, il voudrait que les autres changeassent également. Avez-vous donc oublié cette fable persique, décrite par vous avec une prolixité plus que fastidieuse ? N'y proclamez-vous pas que celui qui, sans changer soi-même, change les autres, a dans ses mains la puissance et la victoire? Et si ce vainqueur est fils de la sainte lumière, loin d'être l'ennemi de Dieu, il est nécessairement son ami ? N'est-il pas meilleur que ceux qu'il trompe et qu'il rend les ennemis de la sainte lumière dont il est lui-même l'ami? Pourquoi Manès condamne-t-il les âmes à l'horrible supplice du globe de ténèbres? N'est-ce point parce qu'elles « se sont laissé séparer de leur primitive nature lumineuse, et qu'alors elles sont devenues ennemies de la lumière ? » De là il conclut que si la nation des ténèbres a créé les corps, c'est uniquement dans le but de satisfaire au désir qu'elle éprouvait de retenir en elle la nature de lumière. Cherchez donc à vous arracher à ces fictions vaines et sacrilèges ; et que Celui qui ne change jamais ni en bien ni en mal, vous aide à opérer votre changement pour le bien.
