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Oui, sans doute, pendant qu'il persécutait l'Eglise, l'Apôtre avait beaucoup mérité, mais en mal ; de là cette parole : « Je ne « suis pas digne d'être appelé Apôtre, parce « que j'ai persécuté l'Eglise de Dieu ». Or, c'est au moment même où il mettait le comble à sa méchanceté, qu'il reçut le bien pour le mal ; aussi s'empresse-t-il d'ajouter:« C'est donc par la grâce de Dieu que je suis ce que je suis ». Enfin il n'est pas jusqu'à son libre arbitre, dont il ne tienne à proclamer l'existence et l'action, quand il s'écrie : « La grâce de Dieu n'a pas été vaine en moi, car j'ai travaillé plus que tous les autres ». C'est également au libre arbitre qu'il adresse ces pressantes exhortations : « Nous vous « prions de ne pas recevoir en vain la grâce de Dieu1 ». Pourquoi donc leur exprimer cette demande, s'ils ont perdu toute volonté propre, par le fait même qu'ils ont reçu la grâce? Cette volonté existe; mais afin de nous montrer que cette volonté n'est capable l’aucun bien sans la grâce de Dieu, l'Apôtre, après avoir dit : « La grâce n'a pas été vaine en moi, et j'ai travaillé plus que tous les autres », s'empresse d'ajouter : « Non pas moi, mais la grâce de Dieu avec moi2 » ; c'est-à-dire, non pas moi seul, mais la grâce de Dieu avec moi. Le principe de ses oeuvres, ce n'est donc ni la grâce seule, ni sa propre volonté seule, mais la grâce de Dieu avec sa volonté.
Au contraire, s'agit-il de sa vocation divine, et de l'étonnante conversion qui en a été la suite3, tout ici nécessairement est l'oeuvre de la grâce, car s'il avait acquis de grands mérites antérieurs,ces mérites étaient mauvais et dignes de châtiment. Il écrivait également à son disciple Timothée : « Souffrez avec moi pour l'Evangile, selon la force que vous recevrez de Dieu qui nous a rachetés et appelés par sa vocation sainte, non selon nos oeuvres, mais selon le décret de sa volonté et selon la grâce qui nous a été donnée en Jésus-Christ avant tous les siècles4». Rappelant ce qu'il était, il s'écrie : « Autrefois nous étions aussi nous-mêmes insensés, désobéissants, égarés, asservis à une infinité de passions et de voluptés, pleins de malignité et d'envie, clignes d'être haïs et nous haïssant les uns les autres ». Or, pour de telles oeuvres, que méritait-il, sinon les plus rigoureux châtiments? Mais Dieu, lui rendant le bien pour le mai, et lui conférant cette grâce qui nous est conférée gratuitement, et non pas selon nos mérites, a opéré en lui cette heureuse transformation qui nous est décrite en ces termes : « Mais depuis que la bonté de Dieu, notre Sauveur, et son amour pour les hommes, ont paru dans le monde, il nous a sauvés, non à cause des oeuvres de justice que nous eussions faites, mais à cause de sa miséricorde, par l'eau de la régénération et par le renouvellement du Saint-Esprit qu'il a répandu sur nous avec une abondante effusion par Jésus-Christ notre Sauveur, afin que, étant justifiés par sa grâce, nous devinssions les héritiers de la vie éternelle, selon l'espérance que nous en avons5 ».
