IV.
Les auteurs dont je parle, ayant publié leurs ouvrages remplis d'une doctrine sacrilège, je n'ai pu les voir sans détester leur orgueil et leur impiété, et sans être touché d'une très sensible douleur. La connaissance que j'ai de la vérité m'a donné en même temps la confiance d'entreprendre de répondre, avec l'aide de Dieu, à ceux qui sont assez téméraires pour accuser la justice. Ce n'est pas que j'aie jugé qu'il fût nécessaire d'écrire contre ceux-ci, parce qu'il est aisé de les confondre en peu de paroles ; mais c'est que j'ai cru devoir ruiner tout d'un coup tous ceux qui travaillent au même dessein en quelque pays que ce soit ; car je ne doute point qu'il n'y ait des écrivains grecs et latins qui ne travaillent pour l'injustice; et comme je ne saurais répondre à chacun en particulier, je m'attacherai aux premiers, et je préviendrai, en les réfutant, tout ce que ceux qui les ont suivis ou qui les suivront pourraient dire: « Je supplie seulement ceux qui prendront la peine de lire mon ouvrage, d'y apporter de l'attention ; car je m'assure que quiconque s'y appliquera comme il faut, embrassera la religion qu'il condamnait auparavant, ou cessera au moins de s'en moquer. » Bien que Tertullien ait traité le même sujet dans le livre qu'il a composé sous le titre d'Apologétique, néanmoins, parce qu'il y a grande différence entre une défense où l'on n'a fait que détruire les objections que l'on avait proposées contre une doctrine, et un discours dogmatique où l'on explique ses maximes, j'ai bien voulu me charger de ce travail, et continuer ce dessein que saint Cyprien a commencé dans l'oraison qu'il a faite pour réfuter Démétrianus, qui aboyait, comme il dit, contre la vérité. Il n'a pas gardé la méthode qu'il fallait garder dans cette matière ; car il fallait agir par raisonnement au lieu d'apporter les témoignages de l'Écriture contre un homme qui n'en reconnaît pas l'autorité. Il fallait l'instruire peu à peu, lui montrer le jour avec un sage ménagement, et ne pas l'éblouir par l'éclat d'une trop vive lumière. L'évêque de Carthage devait employer contre lui une autorité humaine, parce qu'il n'était pas assez fort pour soutenir le poids de l'autorité divine, et lui citer les témoignages des historiens et des philosophes. Il devait le traiter comme les enfants, qu'on nourrit de lait jusqu'à ce que leur estomac se soit fortifié et soit devenu capable d'une nourriture plus solide. La grande connaissance qu'il avait des mystères contenus dans l'Écriture et l'ardeur de son zèle l'ont tellement transporté, qu'il a méprisé toutes les autres preuves, et n'a produit que celles qui servent de fondement à la foi. C'est pourquoi j'ai entrepris, par le mouvement, comme je me le persuade, de l'esprit de Dieu, de faire ce que cet excellent personnage a omis, et je tâcherai de donner un exemple que les autres pourront suivre. Que si d'éloquents hommes entrent dans cette carrière à dessein d'y employer les forces de leur esprit pour la défense de notre croyance, je ne doute pas que la vaine philosophie et les fausses religions ne s'évanouissent bientôt, et que tout le monde ne reconnaisse la vérité que nous soutenons. Mais j'ai fait une digression plus longue que je n'avais dessein de la faire.
