VIII.
Les philosophes cherchent ce chemin sans le trouver, parce qu'il n'y a sur la terre aucun vestige par lequel on le puisse reconnaître. Ils s'égarent comme sur une vaste mer où ils n'ont point de pilote. Il faut chercher ce chemin sur la terre de la même sorte que les pilotes cherchent le leur sur la mer, en regardant le ciel et en observant les astres ; c'est-à-dire, pour parler plus clairement, que ceux qui désirent marcher dans le chemin de la vie doivent suivre Dieu et non les hommes, l'adorer lui seul et non les idoles, rapporter toutes leurs actions à leur âme et non à leur corps, tendre à la vie éternelle et non à cette vie passagère. Si vous levez les yeux au ciel et que vous preniez le soleil pour le guide de votre navigation, cette lumière spirituelle qui remplit l'esprit d'une plus vive splendeur que celle dont le soleil visible éclaire l'univers, vous conduira sûrement au port de la vertu et de la sagesse. Il faut pour cela recevoir la loi de Dieu que Cicéron a décrite dans le troisième livre Des Lois, dans des termes si excellents que j'aime mieux les lui emprunter que d'en chercher d'autres qui seraient peut-être trop diffus et n'auraient pas la même force. « La véritable loi c'est la raison droite et conforme à la nature, qui est répandue dans le cœur de tous les hommes, qui est uniforme, stable et éternelle, qui commande le bien et qui défend le mal. On ne peut ni s'y opposer, ni y déroger, ni l'abolir. Ni le sénat ni le peuple n'en peuvent accorder aucune dispense. Il n'en faut point chercher d'explication ni de commentaires. Il n'y en a point une pour Rome et une autre pour Athènes, une pour le temps présent et une autre pour le temps avenir. Elle sera toujours la même, et dans tous les temps elle gouvernera tous les peuples. Celui qui l'a inventée et publiée est un législateur, un seigneur et un Dieu éternel, duquel on ne peut s'éloigner sans se perdre et auquel on ne saurait désobéir sans renoncer à sa propre nature, ce qui serait un châtiment fort terrible quand même on pourrait éviter les autres. » Y a-t-il quelqu'un, quelque bien informé qu'il soit des mystères de notre religion, qui pût trouver des termes plus propres à parler de la loi de Dieu que ceux que cet auteur a employés, bien qu'il fût fort éloigné de la vérité? Pour moi, je me persuade que ceux qui la publient de cette sorte sans la connaître sont inspirés de Dieu. Si Cicéron avait aussi bien expliqué les préceptes de cette loi qu'il en a découvert l'origine et le pouvoir, il aurait rempli le devoir non d'un philosophe, mais d'un prophète. Puisqu'il ne l'a pas fait, c'est à nous, qui avons reçu cette loi de la main du Seigneur souverain, de la puissance duquel relèvent tous les peuples de l'univers; c'est à nous, dis-je, à tâcher de le faire.
