XVIII.
Quelqu'un demandera peut-être pourquoi Dieu souffre ces désordres et pourquoi il permet que les hommes tombent en des erreurs si déplorables et si dangereuses ? C'est afin qu'il y ait un combat entre le bien et le mal, entre la vertu et le vice, et qu'il y ait des gens de bien qu'il récompense et des coupables qu'il châtie. Je parlerai dans le dernier livre du jugement qu'il établira à la fin des siècles, et où il jugera les vivants et les morts. Il diffère cependant jusqu'à ce que le temps arrive auquel il répandra sa colère avec une force dont on ne saurait voir l'image dans les livres des prophètes sans être saisi d'horreur et d'effroi. Mais jusque-là il permet aux hommes de s'égarer et de se montrer impies à son égard, et il ne fait rien en cela de contraire à sa justice, à sa douceur, et à sa patience. Car quiconque a une vertu parfaite a aussi une patience parfaite. Quelques-uns croient que Dieu n'entre jamais en colère, parce qu'il est exempt des passions auxquelles l'homme est sujet ; mais ce sentiment est contraire à la vérité et ruine entièrement la religion. Je l'examinerai dans un ouvrage exprès ou je traiterai fort au long de la colère de Dieu. Quiconque aura suivi ces esprits impurs, et les aura révérés, ne jouira jamais du ciel ni de la lumière de Dieu, mais tombera dans les ténèbres et dans les supplices qui sont préparés au prince et à l'auteur du péché. J'ai fait voir, si je ne me trompe, par trois raisons invincibles qu'il n'y a rien que de vain et de ridicule dans le culte qu'on rend aux dieux. La première est que les images que l'on adore représentent des hommes qui ont vécu autrefois sur la terre. Or c'est une chose contraire à la bienséance et à la raison que l'image de Dieu adore l'image d'un homme, puisque celui qui rend l'adoration est plus élevé et plus puissant que celui à qui il la rend. D'ailleurs c'est un crime énorme d'abandonner le culte de Dieu vivant, pour se soumettre à celui d'un cadavre et d'un tombeau qui ne sauraient donner la vie dont ils sont privés. Enfin il ne peut y avoir qu'un seul Dieu, de la souveraine puissance du quel toutes les créatures relèvent. La seconde raison est que les images, que les païens adorent par le dernier et par le plus déplorable de tous les aveuglements, n'ont aucun sentiment puisqu'elles ne sont que de terre. Or il n'y a personne qui ait assez peu de lumière pour ne pas reconnaître que l'homme, à qui Dieu a donné une taille droite et élevée afin qu'il regarde le ciel d'où il est descendu et où il doit retourner, ne doit pas s'abaisser et se courber vers la terre qu'il foule aux pieds. La troisième raison est: que les esprits qui président aux religions païennes, ayant été condamnés par la bouche de Dieu et chassés de sa présence, sont errants et vagabonds sur la terre où, bien loin de procurer aucun avantage à ceux qui les adorent, ce qui n'appartient qu'à Dieu seul, ils les empoisonnent par des erreurs pernicieuses et les détournent de la fin à laquelle ils doivent tendre. Il ne faut donc pas adorer ces esprits qui sont condamnés par la bouche de Dieu, et ce serait un crime de s'abaisser au-dessous d'eux, puisqu'il est aisé de s'élever au-dessus en suivant la justice, et de les chasser par la force du nom de Dieu. Si ces raisons font voir la vanité des religions païennes, il est clair que ceux qui prient les morts, qui se courbent vers la terre, qui adorent des esprits impurs, s'éloignent de la raison, et qu'ils subiront le supplice dû à l'impiété par laquelle ils se sont soulevés contre le père commun du genre humain et se sont souillés par d'exécrables sacrifices.
