I - ISIDORE
[1] La première fois que je mis le pied dans la ville des Alexandrins, lors du second consulat de Théodose, le grand empereur, qui subsiste maintenant parmi les anges à cause de sa foi au Christ!, je rencontrai dans la ville un homme admirable, distingué sous tous rapports dans ses mœurs et dans sa science, Isidore, prêtre, qui était administrateur d'hôpital de l'église des Alexandrins. On disait que les premières luttes de la jeunesse, il les avait menées à bien dans la solitude, et j'ai même vu sa cella dans la montagne de Nitrie. Mais quand je le rencontrai, c'était un vieillard de soixante-dix ans, qui, après avoir survécu quinze autres années, termine alors ses jours en paix. [2] Jusqu'à cette fin, il ne porta point de linge, excepté un bandeau de tête, il n'eut pas de contact avec un bain, il ne prit pas une part de viande. Il avait un petit corps, façonné par la Grâce, tel que tous ceux qui ignoraient son régime s'imaginaient qu'il passait son existence dans la bonne chère. Supposé que je veuille rapporter en particulier les vertus de son âme, le temps me manquera. Lui, il était si humain et si pacifique que même ses adversaires, les incroyants, révéraient son ombre à cause de son extrême bonté. [3] Or il eut une telle science des saintes écritures et des préceptes divins que, même dans les repas des frères, il avait des absences d'esprit et restait muet. Et quand on le priait de raconter les détails de son extase, il disait ceci : « Je suis parti en voyage par la pensée, ravi par une contemplation. » Pour moi, je sais qu'il a souvent pleuré à table, et lui ayant demandé la cause de ses larmes, je l'ai entendu dire ceci : « J'ai honte de prendre part à une nourriture déraisonnable, moi étant raisonnable, destiné à vivre dans un paradis de délices en vertu du droit qui nous a été donné par le Christ. » [4] Connu de tout le Sénat à Rome et des femmes des grands de l'Etat, lorsqu'il y était allé avec l'évêque Athanase d'abord, et depuis avec l'évêque Démétrius, ayant du superflu par sa fortune et par abondance des choses nécessaires, il n'écrivit pas de testament en mourant, ne laissa ni numéraire ni objet à ses propres sœurs qui étaient des vierges. Mais il les recommanda au Christ en disant : « Celui qui vous a créées pourvoira à votre vie, comme (il l'a fait) pour moi. » Or il y avait avec ses sœurs une communauté de soixante-dix vierges.
[5] Etant encore jeune, je m'adressai à lui et le priai de m'incorporer dans la vie de solitude. Attendu que mon âge était en pleine effervescence, et n'avait pas besoin de discours, mais de fatigues pour la chair, comme un brillant dompteur de poulains, il m'emmena hors de la ville dans les endroits qu'on appelait érémitiques, à cinq milles de distance.