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Mes frères, que personne ne nous jette dans l'illusion,.car nous n'aimerions pas Dieu si lui-même ne nous avait aimés le premier. C'est encore la pensée clairement exprimée par saint Jean : « Aimons donc, puisque Dieu lui-même nous a aimés le premier1 ». La grâce nous fait aimer la loi, mais la loi sans la grâce ne fait de nous que des prévaricateurs. D'ailleurs, c'est bien là le sens de ces paroles du Sauveur à ses disciples : « Ce n'est pas vous qui m'avez choisi, mais c'est moi-même qui vous ai choisis2». Si c'est nous qui avons aimé les premiers, de telle sorte que par là nous ayons mérité que Dieu nous aimât, c'est nous qui d'abord avons choisi Dieu, et mérité par là que Dieu nous choisît à son tour. Or, celui qui est la vérité même nous tient un langage diamétralement opposé : « Ce n'est pas vous, dit-il, qui m'avez choisi3 ». Si donc vous n'avez pas choisi Dieu les premiers, vous ne l'avez pas non plus aimé les premiers, car comment choisir celui qu'on n'aimerait pas? « C'est moi », dit-il, « qui vous ai choisis ». Ces Apôtres ne l'ont-ils pas choisi depuis, et ne l'ont-ils pas préféré à tous les biens de ce siècle ? Ils l'ont choisi, sans doute, mais parce qu'eux-mêmes l'avaient d'abord été les premiers ; et ce n'est point parce qu'ils avaient choisi, qu'ils ont été choisis. Quel mérite pourrait présenter l'élection faite par des hommes, s'ils n'étaient eux-mêmes prévenus par la grâce de Dieu les choisissant avant tout mérite de leur part ? De là cette formule de bénédiction employée par, l'Apôtre à l'égard des Thessaloniciens « Que le Seigneur vous fasse croître de plus dans la charité que vous avez les uns envers les autres et envers tous4 ». Cette bénédiction qui avait pour but de nous inspirer un amour réciproque nous a été donnée par celui qui nous avait imposé le précepte de nous aimer les uns les autres. Dans un autre passage, sachant bien que quelques-uns parmi eux possédaient déjà ce qu'il souhaitait à tous , le même Apôtre s'exprimait en ces termes : « Nous devons rendre pour vous à Dieu de continuelles actions de grâces ; et il est bien juste que nous le fassions, puisque votre foi s'augmente de plus en plus, et que la charité que vous avez les uns pour les autres s'accroît tous les jours5 ». Par ces paroles il les avertissait de rie point s'enorgueillir comme possédant par eux-mêmes un don qu'ils ne tenaient que de Dieu. Si, leur dit-il, votre foi s'augmente de plus en plus, et si la charité que vous avez les uns pour les autres s'accroît tous les jours, nous devons en rendre grâces à Dieu pour vous, et non pas vous féliciter vous-mêmes, comme si vous ne teniez que de vous ces précieux avantages.
