XII.
Les secrets des poètes ne nous sont plus cachés ; nous avons pénétré dans leurs plus sacrés mystères, la véritable naissance de Saturne nous est enfin connue. Examinons maintenant si ses vertus méritent que nous lui donnions rang parmi les dieux. On commence son éloge par la justice. Il fut juste, dit-on, en voilà d'abord assez pour lui faire perdre sa divinité; et ce mot, il fut, l'en dégrade entièrement. Mais il ne fut pas même juste, comme on le publie si hautement, et il commit la plus horrible de toutes les injustices, soit envers ses enfants qu'il fit mourir, soit envers son père qu'il mit hors d'état de lui donner des frères. J'avoue que les stoïciens lui ont rendu un bon office, et qu'ils ont donné à cette action barbare et impie un sens qui lui fait perdre une partie de l'horreur que nous en avions conçue.1 Ils veulent donc, selon la remarque de Cicéron dans ses livres de la Nature des Dieux,2 que le père de Saturne, cet eunuque infortuné, ne soit autre chose que la sphère du feu, qui, ne produisant rien, n'a pas besoin des mêmes organes que la nature a donné au sexe le plus noble pour multiplier son espèce. Cela se pourrait peut-être dire de Vesta,3 si son sexe pouvait souffrir cette application ; car on dit que cette déesse est toujours demeurée vierge, parce qu’étant la déesse du feu, elle représente un élément dont la stérilité est la marque de l'extrême pureté.4
