IV.
Les prophètes, dont le nombre n'est pas peu considérable, ont tous annoncé un Dieu. Et ce qui doit donner à leur témoignage un caractère d'infaillibilité, c'est que par l'inspiration de ce même Dieu, ils ont tous prédit ce qui devait arriver dans la suite des siècles, avec une uniformité capable de convaincre les moins crédules. Ceux qui font gloire de ne point déférer à la vérité, soutiennent que ces hommes divins ne méritent aucune créance, et que dans les oracles qu'ils ont rendus, ils ont moins été les organes de leur Dieu que les interprètes de leurs propres pensées. Peut-être parce qu'ils n'ont parlé que d'une divinité, les veut-on faire passer pour des fanatiques ou pour des imposteurs? Cependant, nous voyons que leurs prophéties s'accomplissent tous les jours; et ce rapport merveilleux entre les prédictions et les événements, et entre les paroles d'un prophète et celles d'un autre prophète, nous fait assez connaître que ce n'est l'ouvrage ni de la fureur, ni de l'imposture. Et quelle plus grande témérité que d'oser accuser ces hommes admirables d'avoir voulu imposer aux peuples, eux que Dieu n'avait pas seulement envoyés pour publier son nom par toute la terre, mais aussi pour en chasser l'injustice qui y régnait! Mais, après tout, quel est le motif le plus ordinaire qui inspire le mensonge et qui fait les fourbes, sinon le désir qu'on a de s'élever dans le monde aux dépens de la crédulité des simples? Et qui fut jamais moins attaché aux richesses et moins susceptible d'ambition que ces hommes de Dieu? Ils se sont acquittés de leur ministère avec un si grand désintéressement, qu'ayant abandonné ce qu'une prévoyance raisonnable pouvait leur conseiller de se réserver pour le soutien de leur vie, ils l'ont attendu chaque jour de la main de Dieu, et, bien loin d'avoir acquis dans l'exercice de leurs fonctions des biens et des honneurs, ils n'y ont trouvé que des supplices et la mort. C'est le prix ordinaire dont les médians paient la charité sincère des gens de bien, qui les reprennent de leurs désordres et qui leur veulent inspirer l'amour de la vertu: ils conçoivent en même temps de l'aversion pour elle, et de la haine pour ceux qui leur annoncent ces maximes. Ajoutons à cela que, parmi ces prophètes, il s'est trouvé des princes et des rois, sur qui sans doute le soupçon d'une basse avarice ne tombera jamais, et qui cependant, aussi bien que les autres d'un rang inférieur, ont enseigné l'unité de Dieu.
