9.
L'Apôtre se proposait d'exalter la grâce qui est venue à toutes les nations par Jésus-Christ, afin d'empêcher les Juifs de se prévaloir, contre les autres nations, de la loi qu'ils avaient reçue. Voilà pourquoi, après avoir dit que le péché et la mort sont entrés par un seul homme dans le genre humain, et, par un seul homme aussi, la justice et la vie éternelle; il insinue clairement que de ces deux hommes le premier est Adam et le second Jésus-Christ. « La loin », dit-il, « est survenue pour donner lieu à l'abondance du péché; mais, où il y a eu abondance de péché, il y a eu surabondance de grâce, afin que si le péché avait régné en donnant la mort, la grâce de même régnât par la justice en donnant la vie éternelle par Jésus-Christ Notre-Seigneur ». Prenant ensuite la forme interrogative, il s`écrie : « Que dirons-nous donc? Demeurerons-nous dans le péché pour donner lieu à cette surabondance de grâce? A Dieu ne plaise ! » Il comprenait que des hommes pervers pouvaient tirer un mauvais parti de ces paroles précédentes : « La loi est survenue pour donner lieu à l'abondance du péché ; mais, où il y a eu abondance de péché, il y a eu surabondance de grâce » ; on aurait pu en conclure que le péché est utile à cause de l'abondance de la grâce. Il repousse cette conclusion par l'énergique concision de cette parole : « A Dieu ne plaise ! » Il ajoute: « Etant une fois morts au péché, comment vivrons-nous encore dans le péché? » En d'autres termes : puisque la grâce nous a accordé de mourir au péché, continuer à vivre dans le péché ne serait-ce pas répondre à la grâce par une coupable ingratitude?
Ne peut-on pas louer les bienfaits de la médecine sans affirmer par là l'utilité des maladies et des blessures dont la médecine guérit les hommes? Plus, au contraire, nous louons la médecine, plus nous jetons le blâme et l'horreur sur les blessures et les maladies contre lesquelles la médecine est notre seul refuge. De même la glorification de la grâce est par elle-même le blâme et la condamnation du péché. Il s'agissait donc de prouver à l'homme la honte de cette langueur devant l'iniquité de laquelle la loi, quoique sainte et bonne, avait été frappé d'une telle impuissance, qu'au lieu d'être un remède, elle avait été une occasion au péché. En effet, la loi est survenue pour donner lieu à l'abondance du péché. Convaincu et confus de cette vérité, que l'homme comprenne enfin qu'il a besoin non-seulement d'un docteur pour l'instruire, mais surtout du secours de Dieu pour diriger ses voies, pour le soustraire à l’empire de l'iniquité1, et enfin pour le guérir par l'application de la divine miséricorde dans le sein de laquelle il a couru se réfugier. C'est ainsi que là où il y a eu abondance de péché ; il y a surabondance de grâce, non point par le mérite du pécheur, mais par la faveur de Celui qui vient à son secours.
Ps. CXVIII, 133. ↩
