1.
Cher fils Marcellin, vous avez lu les opuscules que, depuis peu, je vous ai adressés et dans lesquels je traitais du baptême des enfants et de la perfection de la justice que nul homme n'a jamais possédée et ne possédera jamais, en exceptant toutefois notre souverain Médiateur, qui a subi toutes les infirmités de la chair, à l'exclusion du péché. Mais voici que vous m'écrivez pour me luire part de l'étonnement que vous a causé une phrase du dernier livre de cet ouvrage, et par laquelle j'affirmais qu'à l'exception de Celui en qui tous seront justifiés, personne, dans cette vie, n'a été et ne sera sans péché, quoique, d'une manière absolue, il soit parfaitement vrai de dire qu'avec le secours de la grâce et une bonne volonté l'homme puisse être sans péché. Vous trouvez une sorte d'absurdité à soutenir qu'une chose qui ne s'est jamais réalisée soit néanmoins possible. Cependant vous n'ignorez pas, que le Sauveur a parlé d'un câble qui passerait par le trou d'une aiguille1, quoique vous sachiez fort bien que jamais ce fait ne s'est réalisé. Vous lisez également que douze mille légions d'anges auraient pu combattre pour le Christ, afin de l'empêcher de souffrir2; et cependant cela n'a jamais eu lieu. Vous lisez encore qu'une mort générale et simultanée aurait pu exterminer toutes les nations de la terre qui était donnée aux enfants d'Israël3, quoique Dieu les eût exterminées successivement et l'une après l'autre4. Enfin, on pourrait citer des milliers de passages qui nous présentent comme possibles des choses qui néanmoins sont restées sans exemple. Pourquoi donc n'admettrions-nous pas également qu'un homme puisse être sans péché, quoique personne ne l'ait jamais été, à l’exception de Celui qui possédait non-seulement la nature humaine, mais encore la nature divine ?
Matth. XIX, 24, 26. ↩
Id. XXVI, 53. ↩
Deut. XXXI, 3. ↩
Juges, II, 3. ↩
Un accident pleinement involontaire de notre part, nous a empêché de placer ce traité, ainsi que les deux suivants, dans le XVe volume, Immédiatement après le Traité des Mérites et de la Rémission des Péchés. (Note de l'Editeur.) ↩
