3.
Constance, en parlant pour aller combattre les Perses, donna un plein pouvoir à Julien de faire tout ce qu’il jugerait plus avantageux pour le bien des peuples qu’il avait confiés à sa conduite. Ayant donc trouvé que les troupes des Gaules étaient presque toutes ruinées, que les Barbares passaient le Rhin impunément, et qu’ils faisaient des courses presque jusqu’aux portes des villes maritimes, il fit la revue du peu qu’il y avait de gens de guerre dans le pays, et ayant reconnu qu’ils tremblaient au seul nom de Barbares, et que les trois cent soixante soldats que Constance lui avait donnés ne s’avaient rien autre chose que faire des prières et des vœux, comme il dit lui-même, il enrôla ceux qu’il put trouver, et reçut quelques volontaires. Ayant trouvé de vieilles armes dans une ville, il les fit refaire, et les distribua aux soldats. Après cela, les espions ayant rapporté qu’une multitude incroyable de Barbares avaient passé le Rhin, près de la ville de Strasbourg, qui est assise sur le bord de ce fleuve, il s’avança à l’heure même vers eux, à la tête de l’armée qu’il venait d’assembler à la hâte, et en étant venu aux mains avec eux, il remporta un avantage incroyable, en ayant tué soixante mille sur la place, et en ayant noyé un égal nombre dans le Rhin. On trouvera que cette victoire ne le cède en rien à celle qu’Alexandre remporta autrefois sur Darius, si on veut prendre la peine de les comparer l’une à l’autre. Je n’ai garde d’omettre une action qu’il fit ensuite. Il avait une aile composée de six cents cavaliers sur la valeur et sur l’expérience desquels il fondait principalement ses espérances. Lorsque le combat fut engagé, tous les autres Romains ayant signalé leur courage, il n’y eut que ceux-ci qui lâchèrent pied, et qui, quelque devoir que Julien fit pour les ramener et pour les exhorter à partager la gloire de la victoire avec leurs compagnons, ne voulurent jamais retourner à la charge. Julien étant donc irrité de ce qu’autant qu’il était en eux, ils avaient livré ceux de leur pays et de leur parti aux Barbares, au lieu de les punir du châtiment établi par les lois, en inventa un autre, qui fut de les habiller en femmes, et de les faire passer en cet équipage au milieu de l’armée, jugeant que cette peine serait plus insupportable que la mort à des hommes qui faisaient profession des armes. Lui et eux tirèrent un notable avantage de ce châtiment: car pour effacer cette tache dont l’infamie était toujours présente à leur esprit, ils se signalèrent sur tous les autres dans le second combat qui fut donné contre les Germains.
