4.
Julien ayant ramassé à loisir toutes ses troupes se prépara à combattre la nation entière des Germains. Ces Barbares ayant rangé en bataille une multitude effroyable contre lui. Il passa le premier le Rhin, dans la pensée qu’il lui était plus avantageux de combattre sur les terres des ennemis que sur celles de l’empire. Outre que par le même moyen il empêchait que les villes de son obéissance ne fussent incommodées par leur passage; le combat ayant été fort rude, et une multitude innombrable de Barbares ayant été taillée en pièces, Julien poursuivit les fuyards jusqu’à la forêt Hercinienne, faisant toujours un grand carnage. Il prit Vadomaire, fils du chef des ennemis, et ramena son armée qui chantait des chansons de joie sur sa victoire, et louait Part et la conduite de son chef. Il envoya Vadomaire à l’empereur Constance, à la bonne fortune, duquel il attribua l’heureux succès de cette bataille. Quand les Barbares se virent environnés du dernier péril, ils appréhendèrent que Julien forçât les lieux ou ils s’étaient retranchés, qu’il fit passer leurs femmes et leurs enfants par le tranchant de l’épée, et qu’il exterminât leur nation. Dans cette appréhension, ils envoyèrent des ambassadeurs, pour lui demander la paix, et pour l’assurer qu’ils n’exerceraient plus aucun acte d’hostilité contre l’empire. Julien leur fit réponse qu’il ne traiterait point de paix qu’ils ne lui eussent rendu les prisonniers qu’ils avaient pris dans les villes qu’ils avaient autrefois réduites à leur obéissance. Ils demeurèrent d’accord de rendre tous ceux qui étaient encore en vie. Mais l’empereur appréhendant qu’il n’en restât quelqu’un entre leurs mains sans qu’il le sût, s’avisa de cette ruse pour les avoir tous sans réserve. Il envoya quérir pour cet effet les habitants de chaque ville et de chaque bourg qui par la fuite avaient autrefois évité la servitude, et leur demanda les noms de ceux qui avaient été pris par les Barbares. Chacun lui ayant iceux qu’il connaissait pour lui être parents, amis ou voisins, il les fit écrire par les secrétaires. Il passa ensuite le Rhin, sans rien déclarer de son dessein aux ambassadeurs, et leur commanda de lui amener les prisonniers qu’ils avaient. Les ambassadeurs ayant obéi, et lui ayant déclaré après leur retour qu’ils amenaient tous tes prisonniers, Julien monta sur un trône élevé, et ayant derrière lui ses secrétaires, il commanda qu’on fit entrer les prisonniers. Les secrétaires ayant pris leurs noms à mesure qu’ils entraient, et ayant trouvé qu’ils étaient en beaucoup plus petit nombre que ceux qui étaient inscrits sur la liste, le dirent à Julien. Il menaça les ambassadeurs de continuer la guerre, puisqu’ils ne rendaient pas de bonne foi les prisonniers, et il leur nomma à haute voix ceux qui manquaient de chaque village et de chaque bourg. Alors ces Barbares s’imaginant que Julien était inspiré de Dieu, pour savoir des choses si secrètes et si cachées, firent serment à la façon de leur pays de rendre tous les prisonniers qu’ils pourraient trouver.
