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Constance, s’étant souillé de la sorte du sang de Gallus, passa de Pannonie en Italie. Or voyant que toutes les terres de l’empire étaient inondées par les Barbares, qu’il y avait déjà quarante villes autour du Rhin qui avaient été enlevées par les Français, par les Allemands, et par les Saxons dépouillées de leurs richesses et privées de leurs habitants, que la Pannonie et la Moesie supérieure étaient ravagées par les Quades et par les Sarmates, que l’Orient était incessamment pillé par les Perses, bien qu’un peu auparavant il eût été exempt de leurs incursions lorsqu’ils appréhendaient d’être repoussés par Gallus. Ayant, dis-je, fait de sérieuses réflexions sur tous ces maux dont l’état était attaqué, il ne se sentit pas capable d’y apporter seul le remède. Il n’osa pourtant associer personne à l’empire, soit par l’ambition qu’il avait de posséder seul la souveraine puissance, ou par la défiance où il était de ne rencontrer personne qui lui fût fidèle. Dans la perplexité où il se trouvait, et dans le danger dont l’empire était environné, Eusébie, sa femme, de qui l’érudition et la prudence étaient au dessus de son sexe lui conseilla de donner le commandement des nations transalpines, avec le titre de césar, à Julien; frère de Gallus, et petit-fils de Constance, qui avait été déclaré césar par Dioclétien. Et parce qu’elle savait que l’empereur son mari tenait tous ses parents pour suspects, elle lui dit, pour le persuader : « Julien est d’un naturel fort simple; il a passé toute sa vie dans l’étude, et n’a point d’expérience des affaires. Ainsi il nous est plus propre qu’un autre. Car s’il est heureux dans ses entreprises, le succès en sera attribué à votre conduite; et s’il succombe dans une occasion périlleuse, il n’y aura plus personne de la famille impériale qui puisse vous faire ombrage ni aspirer à la couronne. »
