1.
Ecoutons ce psaume avec attention: que lieu nous donne de découvrir les mystères qu’il renferme, puisque c’est pour éviter à notre esprit tout dégoût que les mêmes enseignements nous sont donnés sous des formes différentes. Toutes les instructions en effet’ que Dieu nous donne, se réduisent à la foi, à l’espérance, à la charité: afin que notre foi s’affermisse en lui, tant que nous ne le voyons pas encore; qu’après avoir cru en lui sans le voir nous nous réjouissions quand nous le perrons, et qu’à notre foi succède la vision, alors qu’on ne nous dira plus : Croyez ce que tous ne voyez point; mais bien: Jouissez de ce que vous voyez ; afin que notre espérance soit immuable, et que, fixée en Dieu, elle ne subisse ni changement, ni fluctuation, ni agitation, comme Dieu qui en est la base, n’est assujetti à aucun ébranlement. C’est maintenant une espérance, mais à l’espérance un jour succédera la réalité. Elle porte en effet le nom d’espérance tant que nous ne voyons pas ce qui en est l’objet, comme l’a dit l’Apôtre: « L’espérance qui verrait se serait plus une espérance: comment espérer ce que l’on voit déjà? Si donc nous ne voyons pas ce que nous espérons, nous l’attendons par la patience1». Il nous faut donc la patience, jusqu’à ce que vienne ce qui nous est promis. Mais la patience n’existe point quand on est heureux, et l’on ne demande la patience qu’à l’homme qui souffre: on lui dit: De la patience, souffrez, endurez; c’est une peine dans laquelle Dieu vous demande le courage, la force, la résignation, la patience. Mais vous fait-on des promesses mensongères? Un médecin prépare son fer pour tailler des blessures, et il dit à celui qu’il va tailler: De la patience, de la force, de la constance. Il demande la patience pendant la douleur, et après la douleur il promet la guérison. Si le malade qui gémit sous le fer du médecin ne se proposait la santé qu’il n’a pas, il se laisserait abattre par la douleur qu’il endure. Il est donc beaucoup de douleurs à supporter en cette vie; au dedans, au dehors, partout et sans cesse des scandales: et nul n’en est touché, comme celui qui marche dans la voie de Dieu. A chaque page la sainte Ecriture lui prêche la patience: dans les maux présents, l’espérance; dans l’avenir, l’amour de Celui qu’il ne voit pas, afin de l’embrasser quand il le verra. Car la charité, cette troisième vertu, que l’on joint à la foi et à l’espérance, est plus grande que l’une et l’autre2: la foi ayant pour objet les choses que l’on ne voit point, ne sera plus quand viendra la vision. De même l’espérance a pour objet ce que l’on ne possède point encore, et n’existera plus lorsque nous jouirons de cet objet: ce ne sera plus une espérance alors, mais une possession. Or, si nous aimons ce que nous ne voyons point encore, que sera-ce quand nous le verrons? Que notre désir s’accroisse dès lors. Nous ne sommes chrétiens que pour la vie future: que nul ne se promette le bien de cette vie et la félicité du monde, parce qu’il est chrétien; qu’il use de la félicité d’ici-bas, comme il pourra, quand il pourra, et autant qu’il pourra. Quand il la possède, qu’il remercie Dieu qui le console; quand il en est privé, qu’il rende grâces à sa justice. Qu’il soit toujours reconnaissant, jamais ingrat; qu’il reçoive avec gratitude les faveurs d’un Père qui le console, et qu’il reçoive avec la même gratitude les châtiments d’un Père qui le soumet au joug de la discipline: car c’est toujours par amour que Dieu nous prodigue ses faveurs ou ses menaces, et que le chrétien rejette cette parole du Psalmiste : « Il est bon de bénir le Seigneur, et de chanter des hymnes en votre nom, ô Dieu Très-Haut3».
