2.
« Le Seigneur a régné, il s’est couvert de gloire ; le Seigneur s’est revêtu de force, et il s’est ceint1 ». Il a donc pris pour double vêtement la gloire et la force. Pourquoi s’en revêtir pour fonder la terre? Car le Psalmiste continue : « Il a consolidé la terre qui ne sera point ébranlée ». Comment l’a-t-il consolidée ? En se revêtant de gloire. Mais il ne la consoliderait point s’il ne s’était revêtu de force en même temps que de gloire. Pourquoi donc la gloire, et pourquoi la force? Car le Prophète a précisé l’un et l’autre: « Le Seigneur a régné, il s’est revêtu de gloire; le Seigneur s’est revêtu de force et a ceint ses reins ».Vous le savez, mes frères, Notre-Seigneur, venant dans sa chair et prêchant l’Evangile du royaume, plaisait aux uns, déplaisait aux autres. Car les Juifs étaient partagés à son sujet : « Les uns disaient : Il est bon; les autres: Non, il séduit la foule2 ». Les uns parlaient donc de lui en bien, les autres en parlaient mal, le déchiraient, le mordaient, le noircissaient de leurs outrages. Il était donc revêtu de beauté pour ceux auxquels il plaisait, et de force pour ceux auxquels il ne plaisait point. Prends donc, toi aussi, le Seigneur pour modèle, afin que tu deviennes pour lui un vêtement. Sois revêtu de beauté pour ceux auxquels plairont tes bonnes oeuvres, et sois fort contre tes détracteurs. Ecoute comment Paul, cet imitateur du Christ, eut de la beauté, comment de la force: « Nous « sommes», dit-il, «la bonne odeur du Christ, en tout lieu, et pour ceux qui font leur salut et pour ceux qui périssent3? » Ceux qui goûtent le bien, se sauvent; les détracteurs du bien doivent périr. Autant qu’il était en lui, Paul était le parfum du bien, il était même la bonne odeur. Malheur à ces misérables que la bonne odeur fait mourir. Car l’Apôtre n’a point dit : Nous sommes une bonne odeur pour les uns, une mauvaise odeur pour les autres; mais bien : « Nous sommes la bonne odeur du Christ, en tout lieu, et pour ceux qui se sauvent, et pour ceux qui périssent ». Et il ajoute aussitôt: « Aux uns nous sommes une odeur de vie pour la vie, aux autres une odeur de mort pour la mort4». Il était donc revêtu de beauté pour ceux auxquels il était une odeur de vie, et de force pour ceux auxquels il était une odeur de mort. Si tu te réjouis quand les hommes te louent, quand ils prennent goût à tes oeuvres; si leur blâme te fait manquer de courage, et ralentit tes bonnes oeuvres, comme si tu en avais perdu le fruit en trouvant des détracteurs ; tu n’es pas immobile encore, et tu n’appartiens pas encore à « cette terre ferme qui ne sera point ébranlée, pour laquelle le Seigneur s’est préparé en se revêtant de sa force ». Saint Paul touche, à un autre endroit, cette force et cette beauté: « Par les armes de la justice, à droite et à gauche ». Vois où il place la beauté, où il place la force: « Par la gloire et par l’ignominie5 ». Il est beau dans la gloire, il est courageux dans l’ignominie. Chez les uns on relevait en gloire, chez les autres on le méprisait. Il apportait donc la beauté aux premiers, et la force à ceux auxquels il ne plaisait point. C’est en ce sens qu’au même endroit il énumère tous ces contrastes jusqu’à cette parole : « Comme n’ayant rien et possédant tout6». Posséder tout, c’est la beauté ; n’avoir rien, c’est la force. Ne nous étonnons donc point si le Prophète a dit : « Il a consolidé la terre qui ne sera point ébranlée». Comment l’univers entier ne sera-t-il point ébranlé ? C’est parce que les fidèles du Christ sont partout et prêts à tout: à se réjouir avec ceux qui louent, à s’armer contre ceux qui blâment; à ne s’amollir point devant la louange, âne point se laisser abattre par le blâme.
