7.
« Les fleuves ont élevé leur voix1 ». Quels sont ces fleuves qui ont élevé leur voix? Rien ne l’indique: à la naissance du Sauveur, nous ne voyons pas que les fleuves aient parlé, non plus qu’à son baptême et à sa passion, nous n’entendons pas la voix des fleuves. Lisez l’Evangile, vous ne verrez point que les fleuves aient parlé. C’est peu de parler, « ils ont élevé leur voix » Non-seulement ils ont parlé, mais avec force, mais avec fracas. Quels sont ces fleuves qui ont parlé? L’Evangile n’en fait pas mention, disons-nous, cherchons-y néanmoins. Car où le trouver, sinon dans l’Evangile? Je pourrais peut-être inventer, mais au lieu d’être un fidèle dispensateur, je ne serais plus qu’un fabuliste. Cherchons dans l’Evangile, cherchons ensemble quels sont ces fleuves qui élevèrent la voix. « Jésus se tenait debout et criait », lisons-nous dans l’Evangile. Que criait-il? Voilà déjà la tête de tous les fleuves qui crie; lui, la source d’où les autres fleuves doivent prendre leur écoulement, élève la voix le premier. Et que disait Jésus en se tenant debout? « Celui qui croit, comme le dit l’Ecriture, des fleuves d’eau vive couleront de son sein ». Et l’Evangéliste continue: « Il parlait ainsi à cause de l’Esprit que devaient recevoir ceux qui croyaient en lui. Mais le Saint-Esprit n’était pas encore donné, car Jésus n’était pas encore glorifié2». Or, après que Jésus fut glorifié par la résurrection et par l’ascension, comme vous le savez, mes frères, et que furent écoulés dix jours qui étaient figuratifs, il envoya l’Esprit-Saint, qui remplit les disciples3. Cet Esprit-Saint est donc le grand fleuve qui remplit beaucoup d’autres fleuves. C’est de ce fleuve que le Psalmiste a dit ailleurs : « Un fleuve impétueux porte la joie dans la cité de Dieu4 ». Des fleuves s’échappèrent donc du sein des disciples, quand ils reçurent le Saint-Esprit. Ils devinrent des fleuves d’Esprit-Saint. Comment ces fleuves élevèrent-ils la voix? et pourquoi? D’abord parce qu’ils avaient craint. Pierre n’était pas encore un fleuve quand la question d’une servante lui fit renier le Christ jusqu’à trois fois : « Je ne connais point cet homme5 ». La crainte le fait mentir; il n’élève pas encore la voix, il n’est pas encore un fleuve. Mais lorsqu’ils furent tous pleins du Saint- Esprit, et que les Juifs les firent comparaître pour leur défendre de parler aucunement de Jésus et d’enseigner en son nom, Pierre et Jean leur dirent : « Jugez s’il est juste devant Dieu, de vous obéir plutôt qu’à Dieu; car nous ne pouvons pas taire les choses que nous avons vues et entendues. Ces fleuves élevèrent la voix, et répondirent à la voix des grandes eaux ». C’est à cette voix qui s’élève que revient ce qui est écrit : « Pierre se tenant debout avec les « onze, et élevant la voix, s’écria: Hommes de Judée6» ; et le reste qu’il ajouta en leur prêchant Jésus-Christ sans crainte et avec une grande confiance. « Les fleuves ont élevé la voix, pour provoquer la voix des grandes eaux »; car les Apôtres étant sortis du conseil des Juifs, ils vinrent trouver leurs frères, et racontèrent ce que leur avaient dit les prêtres et les sénateurs. A ces paroles, tous élevèrent une même voix vers le Seigneur, et dirent : « C’est vous qui avez fait le ciel, la terre, la mer et tout ce qui est en eux7 »; et tout ce que dirent ces fleuves en élevant la voix. « Les élévations de la mer sont admirables». Comme ces disciples élevaient la voix, plusieurs embrassèrent la foi et reçurent le Saint-Esprit, et ces fleuves peu nombreux commencèrent à se multiplier et à élever la voix. Aussi est- il dit : « A la voix des grandes eaux, combien sont admirables les soulèvements de la mer», ou de ce siècle. Lorsque tant de bouches prêchèrent le Christ, la mer aussitôt s’irrita, et les persécutions se multiplièrent, Ainsi donc, lorsque « les fleuves élevèrent la voix,à la voix des grandes eaux répondirent les suspensions de la mer».Ces suspensions sont des soulèvements, car le courroux de la mer fait soulever les flots. Mais que ces flots se soulèvent à leur gré, que la mer frémisse dans la rage; « ses soulèvements sont admirables» ,sans doute: effroyables menaces, effroyables persécutions, mais vois ce qui suit : « Le Seigneur est admirable dans les cieux ». Que la mer donc s’apaise, qu’elle rentre dans le calme, et que l’on donne la paix aux chrétiens. La mer se soulevait jadis, la barque était agitée; cette barque c’est l’Eglise, et la mer c’est le monde. Le Seigneur vint, il marcha sur la mer, foula aux pieds ses flots8. Comment le Seigneur marcha-t-il sur la mer? En marchant sur la tête de ces grandes ondées écumantes. Les puissants et les rois ont cru et reçu le joug du Christ. Ne craignons donc point. Si « la mer a de terribles soulèvements, plus terrible encore est le Seigneur dans les cieux ».
